Notre lettre 1016 publiée le 19 mars 2024

MGR JOHAN BONNY
ET LE POST-CATHOLICISME
EN BELGIQUE
2EME PARTIE :
LA MORT DE LA FLANDRE CATHOLIQUE

Dans une première partie (notre Lettre 1014), nous avions montré quel rôle décisif a joué l’évêque d’Anvers dans la conduite de l’Église belge loin de l’orthodoxie catholique. Les liens avec celle d’Allemagne sont intéressants à souligner.


Le schisme belge à l’appui du schisme allemand

Néanmoins Rome semble avoir validé cette bénédiction comme l'affirme Mgr Bonny lors de la 5ème assemblée du Chemin synodal allemand, en mars 2023, où il dispose de huit minutes au début de la réunion pour présenter ladite bénédiction – qui ne ferait, selon lui, qu'entériner la liberté prise par les évêques belges [flamands, en réalité] depuis Amoris lætitia en 2015.

La Nuova Bussola revient sur « l'ambiance surréaliste » de ladite assemblée du Chemin synodal allemand et les non moins surréalistes explications du prélat belge « Depuis Amoris lætitia, dans tous les diocèses belges, il est normal de bénir les couples irréguliers, et le pape François aurait approuvé ce choix lors de la visite ad limina en novembre dernier “Il suffit que vous soyez tous d’accord”. En Belgique, les évêques sont tous unis pour approuver la bénédiction des couples homosexuels et autres couples irréguliers, il y a aussi un rituel, et le Pape aurait tout approuvé en novembre.

On peut l’entendre dans cette vidéo, en allemand, à partir de la minute 06:08:46 Mgr Bonny a pu bénéficier de huit minutes pour raconter comment les évêques belges ont officiellement introduit la bénédiction des couples irréguliers dans leurs diocèses, au mépris du Responsum que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi avait publié l’année précédente, avec l’approbation du Pape », et ce, en réinterprétant deux paragraphes d'Amoris Laetitia.

« Le premier paragraphe, a expliqué l’archevêque, renvoie aux deux textes qui constituent la base de ces deux décisions, à savoir les paragraphes 297 et 303 d’Amoris Laetitia. Tous deux appartiennent au chapitre huit, le plus problématique et le plus discuté de l’exhortation. Le premier, le paragraphe 297, est une exhortation du Pape à “intégrer tout le monde”, à “aider chaque personne à trouver sa propre manière de participer à la communauté ecclésiale, afin qu’elle se sente l’objet d’une miséricorde “imméritée, inconditionnelle et gratuite””. Le paragraphe ne se réfère pas “seulement aux divorcés vivant une nouvelle union, mais à tous, quelle que soit la situation dans laquelle ils se trouvent”. Ce texte, “concernant la manière de traiter les diverses situations dites “irrégulières””, conclut, de manière très vague, à la nécessité de “leur révéler la pédagogie divine de la grâce dans leur vie et de les aider à atteindre la plénitude du dessein de Dieu en eux”.

Le deuxième paragraphe, n° 303, est le célèbre passage sur l’implication de la conscience dans la pastorale de l’Église ; la conscience peut en effet “reconnaître avec sincérité et honnêteté ce qui est pour le moment la réponse généreuse que l’on peut offrir à Dieu, et découvrir avec une certaine certitude morale que c’est le don que Dieu lui-même demande au milieu de la complexité concrète des limitations, même s’il n’est pas encore tout à fait l’idéal objectif”.

Dans l’application faite par les évêques belges, une relation sexuelle désordonnée et objectivement pécheresse peut ainsi devenir le maximum qui peut être offert à Dieu à un moment donné, et l’Église, pour sa part, doit non seulement respecter ce discernement erroné de la conscience, mais elle doit intégrer tout le monde de manière inconditionnelle. Dans cette logique, la bénédiction des couples irréguliers se transforme magiquement en une bénédiction d’une relation désordonnée à une bénédiction de ce “bien” imparfait qui constitue à ce moment-là la “réponse généreuse qui peut être offerte à Dieu” ».

Comme le conclut la Nuova Bussola, « les déclarations de Mgr Bonny ne se réfèrent pas à une prétendue conversation privée avec le Pape, comme celles auxquelles Eugenio Scalfari nous avait habitués. Il s’agit de déclarations faites en présence de tous les évêques de Belgique, au cours d’une visite ad limina importante et officielle. Et ce sont des déclarations d’une énorme gravité, qui révèlent le soutien du Pape à une véritable hérésie ». Et pourtant Rome va continuer à se taire.

***Très logiquement, en décembre 2023 il est un des rares évêques à percer le silence embarrassé des prélats suite à Fiducia supplicans et à approuver un texte qui colle assez curieusement avec ses propositions de 2016, 2022 et 2023.

« L'évêque d'Anvers, Johan Bonny, qui a encouragé les participants à la voie synodale allemande à approuver une résolution sur les bénédictions homosexuelles en mars, s'est félicité de la déclaration. "Elle nous aide à aller de l'avant", a-t-il déclaré, selon le journal belge De Standaard.

Geert De Kerpel, porte-parole des évêques flamands – qui bénissent, pour rappel, les unions irrégulières depuis 2022, affirme dans Het Nieuwsblad du 19/12/2023 qu'ils garderont le cap sur l'hérésie "il s'agit d'une très grande avancée parce qu'elle émane de l'organe suprême de l'Église et parce qu'elle dit aussi explicitement que les couples de même sexe peuvent donc recevoir la bénédiction. (...) Comme les évêques flamands se sont prononcés en faveur de cette mesure, elle était déjà possible ici en Flandre. Le fait que le Vatican confirme maintenant cette position est une grande aide. Et pour l'ensemble de l'Église mondiale, c'est un grand pas en avant"


Mg Bonny part en vrilleÉ soutien à l'euthanasie et au mariage des prêtres

Devant un si net alignement de ses collègues flamands – et de l'Église universelle ou de ceux qui prétendent agir en son nom – sur ses positions, Mgr Bonny s'est senti pousser des ailes. En septembre 2023, dans une interview à la Libre Belgique, après la révélation par la télé régionale flamande d'abus anciens dans des orphelinats flamands et de trafics d'enfants, il rejette la responsabilité des abus sur les « générations précédentes » et profite de la tribune pour soutenir ouvertement l'euthanasie, sous le prétexte de ne pas savoir définir le meurtre et de prendre en compte les situations de chacun.

« Nous prônons constamment le respect de la vie, mais je regrette que, depuis le Vatican, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi affirme que l’euthanasie est toujours un mal intrinsèque, quelle que soit la circonstance. C’est une réponse trop simple qui ne laisse pas de place au discernement. Nous nous opposerons toujours au souhait de certains d’arrêter une vie trop prématurément, mais nous devons reconnaître qu’une demande d’euthanasie d’un jeune homme de 40 ans n’est pas équivalente à celle d’une personne de 90 ans qui fait face à une maladie incurable. Nous devons apprendre à mieux définir les notions et à mieux distinguer les situations.

Il est bon de rappeler que l’on ne peut tuer, et je suis contre tous les meurtres. Mais qu’est-ce que tuer, qu’est-ce qu’un meurtre ? Que dites-vous à quelqu’un qui tue un ennemi au nom de la légitime défense ? Que dites-vous à quelqu’un qui est touché par une maladie incurable depuis des années et qui a décidé de demander une euthanasie après en avoir parlé à sa famille, son médecin, ses proches »

Et de multiplier les audaces dans le même paragraphe, toujours sous couvert de lutter contre les abus « La possibilité d’ordonner prêtre des hommes mariés, ainsi que celle de donner telle ou telle responsabilité aux femmes. Mais aussi la capacité de répondre à certaines questions éthiques ou familialesÉ bénir les unions homosexuelles qui s’inscrivent dans la fidélité et l’amour mutuel (c’est ce que souhaitent les évêques en Belgique), offrir des réponses adaptées aux demandes d’euthanasie ».

En revanche, si volubile dans la presse, il n'a jamais abordé le sujet des abus dans la communauté de l'Arche dont il est issu, et notamment ceux de Jean Vanier (1928-2019) dont il avait fondé une des communautés en 1980-82 et dont il avait assuré l'accompagnement spirituel.

Mgr Bonny se couvre en se disant le plus bergogliens des bergogliens. Par exemple le 25 janvier 2023 où il explique dans une conférence au Forum Renaissance, à Bruxelles, le processus synodal, rendant grâce au Pape François. Nathalie Beurrier, Secrétaire décanale pour le Doyenné Bruxelles Sud, y a assisté pour nous. Voici ce qu’elle en retient: Mgr Bonny nous parle d’un synode bergoglien. Le pape François nous lance dans une dynamique spirituelle et pastorale nouvelle, il nous donne l’opportunité de franchir les frontières qui nous séparent les uns des autres. C’est un nouvel élan à la mise en œuvre de Vatican II, dont le dynamisme ne s’est jamais arrêté.

Le pape nous appelle à une écoute mutuelle et à une responsabilité partagée. Il invite chaque fidèle, chaque communauté à se parler et à s’écouter, à s’impliquer dans la particularité de son expérience personnelle et de son intuition. Celui qui écoute nous dit, Mgr Bonny, ne reste pas à l’écart. Il devient co-responsable de la réponse donnée. Ce processus synodal nous fait passer du particulier à l’universel. C’est ainsi que l’Église peut exister en communion, vivre l’unité dans la diversité. Le pape François assumera, décidera et jettera des ponts, il créera unité entre des réalités et des visions différentes. C’est cela la vraie richesse de l’Église. Le processus synodal, sources d’espérance, commence localement. Il créera de nouvelles opportunités »,

Léon X condamnait Martin Luther. François donne « de nouvelles opportunités » à Johan Bonny.


La mort accélérée de la Flandre catholique

Depuis son arrivée en 2008, Mgr Bonny est lentement mais sûrement rattrapé par la chute de la pratique religieuse en Flandre, qui a été plus tardive, à partir des années 1980, qu'en Wallonie qui avait commencé à décrocher après le Concile Vatican II.

L'évêché d'Anvers compte, selon l'annuaire pontifical, 310 paroisses, 839 prêtres, 526 religieux, 1927 religieuses. Supprimé en 1801, il a été recréé en 1961 par détachement de Malines, sans Malines – il est donc inférieur de 300 km² à la province administrative éponyme. En 2004 on y comptait 1.289.847 baptisés pour 1.4 millions d'habitants.

Mgr Bonny est relativement peu disert sur la pratique dans son diocèse, même si en 2018 il y a fait revenir les dominicains, après 170 ans d'absence. En 2012, il tressait les éloges de l'agglomération d'Anvers – et elle seule – où la pratique se maintient grâce aux immigrés. En creux, il se désintéresse des Flamands et ceux-ci lui rendent bien : « Anvers est depuis toujours une ville ouverte au monde, par son port, marquée par les influences de l’industrialisation, du socialisme, du mouvement flamand, habituée à accueillir des communautés nouvelles et des catholiques de tous les continents. Savez-vous que le dimanche, ici, la communauté catholique la plus importante en nombre est de langue et d’origine polonaise ! La ville a une forte tradition intellectuelle, des ressources, une tradition sociale, des classes moyennes, mais aussi des personnes marginalisées par la pauvreté. On peut construire une Église vivante, en utilisant toutes ces possibilités. Si l’Église a un avenir en Europe, c’est dans des villes ou dans des agglomérations comme Anvers ! ».

En revanche, en 2017 un hebdomadaire flamand, Gazet van Antwerpen, consacre un article au vieillissement du nombre de pratiquants et à leur chute – même si la pratique reste alors quatre fois supérieure en Flandre qu'en Wallonie, à l'occasion de la parution d'un livre – rappelons au passage que l'Église étant un service public en Belgique, les conséquences économiques sont atténuées par rapport à d'autres pays où l'effondrement du catholicisme ne peut plus être caché, comme le Canada.

La pratique hebdomadaire, en Flandre, a été divisée par deux depuis 2005 et par 3.5 depuis 1996. Voilà donc le bilan chiffré de Mgr Bonny et de ses collègues, dont ils ne tiennent guère à parler. Les évêques flamands bénissent les unions LGBT, cependant que les fidèles fuient leurs églises. En 2017 toujours, un catholique pratiquant chaque semaine sur 50 a moins de 34 ans. L'Église en Flandre, après 15 ans d'épiscopat de Mgr Bonny est en train de mourir.

La traduction de cet article a été faite : « Lu dans la Gazet van Antwerpen de ce vendredi 27 janvier 2017 (p. 10) : « 6 % (de Flamands) vont encore à la messe. La grande majorité des Flamands ne fréquente plus l’église qu’à l’occasion des baptêmes, des mariages ou des enterrements. Selon les dernières données, cela vaut pour plus de 45 % de la population entre 18 et 85 ans. « Ce groupe est resté relativement stable en importance au cours des vingt dernières années. Le plus grand changement concerne les croyants profonds et ceux qui disent n’appartenir à aucune religion ou Église », a déclaré Jaak Billiet, professeur émérite du Centre de recherches sociologiques (KU Leuven¹). Les fidèles stables sont des gens qui assistent à une messe chaque semaine » ; 6 % des répondants ont dit le faire encore. Avec ce chiffre, nous nous trouvons au niveau historique le plus bas. Parce qu’en 2005, ils étaient encore 12 %, et en 1996, 20 %. Il y a aussi une proportion de 11 % parmi les fidèles qui se rendent de temps en temps à l’église », a déclaré Billiet. Le sondage est effectué chaque année depuis 1996 auprès de 1.500 Flamands, sur la base d’une enquête approfondie.

Un livre consacré aux changements socio-culturels en Flandre sera présenté le 31 janvier et aussi via regionalestatistieken.vlaanderen.be. Un catholique pratiquant a, en moyenne, 70 ans ; il y en a seulement 2 % qui ont moins de 34 ans. Avec un âge moyen aussi élevé, la question se poseÉ le fond a-t-il été atteint ou la fréquentation de l’église peut-elle tomber plus bas ? « Des études ont montré que chaque génération qui vient est de moins en moins religieuse et de moins en moins croyante. Dans le monde chrétien catholique, la chute va encore durer. De sorte que, pendant un certain temps, on ne pourra pas la contenir », a déclaré Mark Elchardus, professeur émérite de sociologie (VUB) ».

Néanmoins, malgré les chiffres – qui ne sont souvent disponibles qu'en flamand, la fragmentation linguistique belge aidant – et donc peu connus du grand public, il prétend en 2021 dans The Tablet que la rigidité de l'Église et son refus de bénir les unions LGBT sont à l'origine de la déchristianisation dans son diocèse, affirmations relevées avec plaisir par le lobby LGBT américain catholique New Ways Ministry : « Lors du webinaire organisé par The Tablet, il a déclaré que pas moins de 2 000 personnes avaient annulé leur enregistrement de baptême dans les diocèses flamands de Belgique, un pays traditionnellement fortement catholique. Bonny, qui est théologien de formation, a également critiqué la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et ses responsables pour leur « faiblesse théologique » et leur échec à intégrer les connaissances contemporaines. Il a suggéré que le document était « comme s’il avait été écrit à l’époque de Pie XII ». Le Responsum n'a pas tenu compte sérieusement de l'exhortation apostolique du pape François sur la famille, Amoris lætitia, et du processus du Synode sur la famille qui a donné naissance à ce document, a-t-il ajouté ».

En un mot, si l’on sort de l’Église, c’est qu’elle est encore trop catholique. Il est vrai que de l’Église post-catholique il n’est pas besoin de sortir, puisque c’est elle qui est sortie.

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