Notre lettre 500 publiée le 15 juillet 2015

500 LETTRES DE PAIX LITURGIQUE : BILAN ET RAISONS D’ESPÉRER

Il y a douze ans, en juin 2003, quelques familles du diocèse de Nanterre (Hauts-de-Seine) décidaient de lancer un mouvement permettant à tous ceux qui le souhaitaient de vivre leur foi catholique au rythme de la liturgie traditionnelle de l’Église au sein de leur diocèse, en parfaite communion avec leur évêque, ce qui leur était jusqu'alors interdit, malgré de très nombreuses demandes réitérées par des familles du diocèse  entre 1988 et 2002. Autrement dit, ces quelques familles comprenant qu'elle n'avaient pas d'interlocuteurs honnêtes en face d'elles  décidaient de s'engager pour l'établissement réel de la paix liturgique dans leur diocèse.

Tout naturellement, les premières lettres d'information de ce mouvement " Pour la Paix Liturgique et la réconciliation"  prirent le nom de Paix liturgique. À la fin de l’année 2003, après quelques lettres imprimées, une toute première lettre électronique était envoyée à quelques centaines d'amis, principalement du diocèse.

Aujourd’hui , Paix liturgique fête le 500ème numéro de cette lettre électronique, désormais déclinée tous les mois en sept autres langues.

500 numéros ! Ce nombre symbolique, signe de l’immense intérêt porté dans le monde entier (pas seulement en France !) pour la forme extraordinaire du rite romain, nous donne l’occasion de nous arrêter quelques instants sur le travail accompli au long de ces douze années pour tenter d’en tirer quelques enseignements et d’envisager des perspectives d’avenir.


I – LE SYMBOLE DU DIOCÈSE DE NANTERRE
 
Fondée par quelques familles du diocèse de Nanterre, déterminées à ne plus se laisser « mener en bateau » par une autorité diocésaine malveillante qui avait érigé l’apartheid liturgique en modèle pastoral et refusait de dialoguer avec les familles attachées à la liturgie traditionnelle de l’Église, Paix liturgique a d’abord eu une existence locale.

Ainsi, pendant plus d’un an, chaque dimanche, des familles amies de Paix liturgique recherchaient le dialogue et le rendaient possible en allant directement à la rencontre de leurs frères diocésains à la sortie des messes paroissiales. D'autres allaient dans la Paix et la Charité , directement à la rencontre… de l’évêque lors des messes chrismales et des autres rendez-vous diocésains.

C’était une grande première ! Au lieu d’entendre les autorités ecclésiales parler au nom des fidèles et de décréter ce qui les intéressaient ou non à propos de la liturgie, nous avons pris la peine d’aller trouver ces fidèles directement sur le terrain pour les faire parler eux-mêmes de ce sujet…

Ces actions de terrain eurent l’immense mérite de mettre en évidence une réalité volontairement occultée : l’attrait d’une grande partie des fidèles (et parfois même des prêtres) qui pratiquent dans leurs églises paroissiales la liturgie conciliaire pour ce qui allait devenir quelques années plus tard la forme extraordinaire du rite romain.

Ces actions de terrain eurent immédiatement des retombées locales importantes en termes de sympathisants, de rencontres et de dialogues constructifs et la lettre électronique fut un amplificateur essentiel de ce travail de terrain. Chaque semaine, des comptes rendus détaillés des principaux dialogues entamés à la sortie des églises du diocèse de Nanterre étaient publiés dans notre lettre électronique. Le dialogue entre catholiques à propos de la liturgie s’instaurait, devenait public, se propageait comme le feu dans la brousse. Ce faisant, Paix liturgique répondait ni plus ni moins aux invitations du concile Vatican II sur la promotion du laïcat : des laïcs, chaque dimanche prenaient la parole. Tout simplement.

Au-delà de l’aspect souvent haut en couleur de la matière de ces comptes rendus, se dégageaient de grandes constantes d’une paroisse à l’autre du diocèse :
- dans toutes les paroisses, des fidèles assistaient occasionnellement ou régulièrement à la célébration de la liturgie traditionnelle dans d’autres lieux de culte,
- dans toutes les paroisses, parmi les fidèles qui pratiquaient régulièrement leur foi dans la liturgie nouvelle se trouvent des familles qui aimeraient pouvoir assister dans LEUR paroisse également à la liturgie traditionnelle,
- dans toutes les paroisses, la plus grande part des fidèles n’étaient pas hostiles à la célébration de la liturgie traditionnelle dès lors qu’ils continuaient d’avoir la possibilité d’assister à la célébration de la liturgie ordinaire,
- les oppositions à nos démarches étaient rares et le plus souvent limitées à quelques ultras des conseils paroissiaux et à quelques membres du clergé inquiets de notre démarche publique : appeler au dialogue en parlant de la place des laïcs dans l’Église est une chose, mettre ce dialogue en pratique en donnant la parole aux laïcs en est une autre…

Le caractère public et systématique de ces rencontres (plus de 500 en 2 ans) et de leurs comptes rendus par notre lettre électronique a rapidement fait comprendre à nos lecteurs de Sceaux qu’ils vivaient la même chose que ceux de Saint-Cloud, de Nanterre ou de Bagneux. « Ce que vous aurez dit à l’oreille dans le fond de la maison sera proclamé sur les toits » (Luc 12, 3) : la publicité donnée à ces actions de terrain a été un élément important dans l’action de Paix liturgique en ce qu’elle a permis d’une part de réunir de nombreuses bonnes volontés qui se sentaient jusque-là isolées et, d’autre part, de dénoncer publiquement les mensonges des quelques clercs qui, soucieux de conserver leurs privilèges et leur confort idéologique, ne souhaitaient pas de la paix liturgique dans leurs paroisses.

La première leçon à tirer de notre action est que la persévérance paye : « Demandez et vous recevrez ! […] Frappez et on vous ouvrira ! » (Matthieu 7, 7).

Car, le 27 novembre 2005, devant des centaines de fidèles, la première messe traditionnelle, hebdomadaire, régulière et diocésaine, était célébrée à Nanterre en l’église Sainte-Marie-des-Fontenelles.

Deux ans et demi après le lancement de Paix liturgique, alors que quelques semaines auparavant, l’évêque continuait encore à répéter de manière incantatoire qu’il n’y aurait pas de célébration de la sorte dans SON diocèse, qu’il savait « des choses très graves et très dangereuses » sur ceux qu’il appelait les "traditionalistes", la messe traditionnelle trouvait enfin un début de droit de cité dans le diocèse de Nanterre. « Si de l'intérieur de sa maison, [celui à qui on demande du pain] répond : "Ne m'importune pas, la porte est déjà fermée, mes enfants et moi sommes au lit, je ne puis me lever pour te donner des pains", je vous le dis, même s'il ne se levait pas pour les lui donner parce que c'est son ami, il se lèverait à cause de son importunité et lui donnerait tout ce dont il a besoin » (Luc 11, 7-8).
 
Aujourd'hui, en 2015, dix ans après cette première messe, trois messes selon la forme extraordinaire du rite romain sont célébrées chaque dimanche dans la paix et l’unité paroissiale dans ce même diocèse de Nanterre : à La Garenne Colombes (église Saint-Urbain, sauf juillet-août), à Saint-Cloud (église Notre-Dame-des-Airs, sauf juillet-août) et au Plessis-Robinson (église saint Jean-Baptiste, sauf août). Trois messes ! C’est précisément ce que Paix liturgique demandait respectueusement à l’autorité diocésaine à sa naissance (1)…

Alors que notre demande était « une provocation », que nous n’étions que des « agitateurs » voire… des « militants politiques aux préoccupations bien peu religieuses » et que toute notre action ne répondait à « aucune demande sérieuse », ces trois célébrations sont aujourd’hui solidement et pacifiquement installées dans le paysage diocésain, tout simplement parce qu’elles répondent, à l’évidence, à une demande locale pérenne.

« N’ayez pas peur ! » C’est le second enseignement – repris des paroles de saint Jean-Paul II – à tirer de l’action de Paix liturgique dans le diocèse de Nanterre. N’ayez pas peur de vous lancer dans la « longue marche » des demandeurs de célébrations de messes dans la forme extraordinaire. N’écoutez pas les grincheux qui vous expliqueront que « ce n’est pas la bonne méthode » et critiqueront sans cesse vos initiatives mais… ne feront rien. Ne vous découragez pas devant des autorités ecclésiastiques qui refusent vos demandes, qui retardent, qui enterrent. Elles comptent sur votre lassitude mais ne peuvent rien, à terme, contre une demande persévérante, organisée, respectueuse et publique : « Quel est parmi vous le père qui donnera une pierre à son fils, s'il lui demande du pain ? Ou, s'il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent au lieu d'un poisson ? 12 Ou, s'il demande un œuf, lui donnera-t-il un scorpion ? » (Luc 11, 11-12). D’autant qu’aujourd’hui, l’usage du missel de saint Jean XXIII a été officiellement rétabli.


Mgr Nicolas Brouwet, aujourd'hui évêque de Lourdes (ici en compagnie du cardinal Burke lors du pèlerinage de l'Institut du Christ-Roi), a été l'un des artisans majeurs de l'établissement de la paix liturgique dans le diocèse de Nanterre.

II – LES CAMPAGNES DE SONDAGES
 
Au-delà de la chronique de terrain, contribution à la résolution de la crise liturgique par le bas, par la saisie de témoignages ponctuels, Paix liturgique a aussi très vite souhaité y contribuer en quelque sorte par le haut, en faisant appel aux outils statistiques et sociologiques tant prisés par les conférences épiscopales.
 
Un sondage Ipsos sur ce sujet avait déjà été commandé par Oremus en 2001. Paix liturgique a fait réaliser une enquête similaire en 2006 par l’institut CSA alors que la rumeur d’un texte sur « la messe en latin » enflait (le Motu Proprio qui allait être publié en 2007), puis un autre sondage en 2008, lors de la venue de Benoît XVI en France.
 
En 2009, le même sondage était conduit en Italie par l’institut Doxa, ouvrant une série de six sondages nationaux en Europe. En parallèle, un autre institut professionnel et indépendant était chargé d’un sondage dans le diocèse de Versailles. Dix autres sondages diocésains en France suivront.
 
Soigneusement ignorés par la presse française, alors qu’ils ont été repris et commentés à l'étranger, ces sondages ont révélé de façon constante qu’au moins un fidèle sur trois assisterait à la forme extraordinaire du rite romain si celle-ci était célébrée dans SA paroisse. Les résultats de ces sondages, jamais contestés, sont une mine d’informations que les historiens exploreront demain (le sondage sur le diocèse de Saint-Denis a ainsi révélé, pour la première fois, que les catholiques étaient minoritaires dans un diocèse de France puisque sur 1212 personnes sondées, seulement 416, soit 34,3% se déclaraient catholiques !!!).

En France comme à l’étranger, ces sondages n’ont fait que confirmer, dans l’espace et dans le temps, ce que nous avions déjà expérimenté sur le terrain, à la sortie des églises paroissiales, à savoir l’existence au sein des diocèses d’un nombre remarquable de « silencieux » désireux de vivre leur vie liturgique selon la tradition tout en demeurant attaché à leur paroisse.


III – DE NANTERRE AUX PÉRIPHÉRIES DU MONDE CATHOLIQUE
 
Très rapidement, notre lettre électronique a été diffusée largement en dehors du diocèse de Nanterre. La magie d’Internet a bouleversé notre champ d’action en nous permettant de communiquer à grande échelle et à un coût contenu.

À la fois outil à la disposition des demandeurs de la liturgie traditionnelle et média au service de son essor, la lettre électronique de Paix liturgique s’est rapidement révélée d’une aide précieuse pour ceux et celles qui souhaitaient faire avancer les lignes sur le terrain et rendre publiques leurs initiatives. Que l’on songe par exemple aux fidèles de Reims ou de Limoges mais aussi à ceux de Niafles, en Mayenne, qui eurent maille à partir avec les autorités religieuses comme civiles.

Lanceur d’alertes, la lettre de Paix liturgique a également eu l’occasion de se faire la voix des sans voix en donnant un écho national et international : au scandaleux projet de destruction à la sauvette des anciennes cloches de Notre-Dame de Paris alors que le village d’enfants de Riaumont leur offrait une seconde vie ; à la persécution épiscopale subie par l’abbé Michel et sa paisible et prospère communauté de Thiberville (diocèse d’Evreux) ; aux messes que célébraient dans les rues d’Amiens, qu’il vente ou qu’il neige, les prêtres de la Fraternité saint Pie X, l’évêché préférant voir ses lieux de culte tomber en ruine plutôt que d’en ouvrir un seul au culte millénaire de l’Église ; à l’interdiction initialement faite au sein des scouts d’Europe à l’application du Motu Proprio de Benoît XVI...

Toujours aux aguets, la lettre de Paix liturgique a en fait accompagné de son mieux les prêtres et les familles tout au long de ces années qui ont été marquées, il y a huit ans, par le tournant historique de la publication par Benoît XVI du Motu Proprio Summorum Pontificum. La messe réprouvée, la messe ghettoïsée, la messe persécutée, mais la messe libérée, libérée par le Pape et par le peuple fidèle, retrouvait sa légitimité paroissiale. Du coup, notre lettre s'est de plus en plus faite porteuse des bonnes nouvelles qui, depuis 8 ans, jalonnent le lent mais inexorable renouveau de la liturgie latine et grégorienne.
 
Surtout, notre lettre est sortie du cadre national pour aller à la rencontre de nos frères qui, tout autour du globe, découvrent ou redécouvrent la liturgie traditionnelle depuis le 7 juillet 2007. Un temps publiée en suédois, la lettre de Paix liturgique est aujourd’hui diffusée en allemand, en anglais, en espagnol, en italien, en polonais, en croate et en portugais : elle touche chaque mois plusieurs centaines de milliers de lecteurs dans le monde entier. Cette internationalisation nous permet de mieux comprendre la profonde catholicité (universalité) de la messe traditionnelle, de Chicoutimi à Hong-Kong, du Gabon à la Finlande. Cette universalité, nous nous efforçons de l’illustrer également par des entretiens inédits, aussi bien avec des prélats ou avec des religieux qu’avec de simples prêtres de paroisses où sont offertes l’une comme l’autre forme du rite romain.
 
Paix liturgique, c’est aussi un suivi attentif de l'évolution des entrées dans les séminaires et des ordinations sacerdotales, pour prendre le pouls de l’Église de demain que nous voyons libérée des œillères idéologiques de l’après-concile et toujours plus ouverte à l’unité dans la charité et la diversité mais, hélas, de plus en plus privée de prêtres à son service.
 
Paix liturgique, enfin, n’oublie pas de proposer ou de reproposer des textes de fond ainsi que des textes d’information et de pédagogie (comme notre récente série sur « la messe traditionnelle dans tous ses états »), permettant de mieux comprendre la réconciliation liturgique désirée par le peuple chrétien et voulue par Benoît XVI, ainsi que nos raisons pour demeurer fidèles «  à la messe et tout ce qui va avec » – lex orandi, lex credendi –, comme l’expliquait si bien Jean Madiran.
 
Demeurer fidèles, tout en prenant acte des mutations du monde moderne et de l’Église qui doivent dynamiser notre fidélité, c’est notre dessein depuis l’origine tout au long de 500 lettres, que nous souhaitons poursuivre, avec votre appui, s’il plaît à Dieu, tout au long de nos 500 prochaines lettres.
 
Ad multos annos !
 
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(1) Certes, la demande est encore loin d’être entendue à Boulogne, Rueil, Neuilly ,Meudon, Montrouge  ou à Vaucresson notamment, mais force est de constater que ce qui apparaissait hier comme « impossible » et « dangereux pour l’unité des communautés » ne pose en réalité strictement aucun problème.

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