Notre lettre 667 publiée le 6 novembre 2018
CARDINAL ZEN : " C'EST DE LA LITURGIE D'HIER QUE NOUS AVONS REÇU LA FOI, QUI NOUS A DONNE NOTRE VOCATION , QU'ONT CONNUE TANT DE MARTYRS"
Nous vous proposons aujourd’hui le texte
du message en forme d’entretien qui a été adressé par le cardinal Zen aux
participants des Rencontres Summorum Pontificum, qui se sont tenues à Rome, le
vendredi 26 octobre, dans le grand amphithéâtre de l’Augustinianum, l’Institut
pontifical d’études des Pères de l’Eglise.
Le cardinal Joseph Zen, archevêque émérite
de Hong Kong, est un très valeureux défenseur de la foi catholique en Chine, et
plus généralement de la liberté du peuple chinois contre l’oppression
communiste. Il avait été vraisemblablement nommé cardinal in pectore, en
secret, par Jean-Paul II. Il a, en tout cas, été officiellement revêtu de
la pourpre romaine, par Benoît XVI, en 2006.
Dans ces dernières années, il a manifesté
sa ferme opposition aux préparatifs d’un accord entre le Saint-Siège et le régime communiste
chinois , avertissant : « Dans notre
acceptation des dispositions de Rome, il y a une limite, celle de la
conscience. Nous ne pouvons pas suivre cet éventuel accord dans ce qui semble à
la conscience manifestement contraire à la foi catholique authentique ».
Et lorsque l’accord a été signé, le 22 septembre 2018, accord dont on ne connaît pas encore la teneur précise, mais dont
tout laisse penser qu’il sacrifie les évêques, de l’Eglise dite
« souterraine », qui n’ont jamais voulu s’intégrer à l’Eglise
contrôlée par les communistes, dite « Eglise patriotique de Chine », ou
« Association patriotique des catholiques chinois », le cardinal a
demandé la démission du Cardinal Parolin, Secrétaire d’Etat, l’accusant de « vendre l'Eglise catholique au gouvernement
communiste ».Nous retiendrons particulièrement de cet entretien les
derniers mots du cardinal à propos de la liturgie traditionnelle "La liturgie antique peut faire du bien même
à ceux qui ne la fréquentent pas régulièrement, car
elle est une nourriture pour l'âme".
Éminence, quels souvenirs avez-vous de la messe tridentine durant votre enfance à Shanghai ?
Nous ne pensions pas alors qu'il pouvait y
avoir une autre manière d'assister à la messe. La messe était celle-là…
Quand j'étais enfant, chaque jour j'allais à la messe et je
l'ai servie jusqu'à l'âge de 12 ans. Le dimanche, mon père m'emmenait
avec lui à cinq messes, et je ne me suis jamais ennuyé. En fin de compte, on
savait ce qui se déroulait. Même si elle était célébrée en latin,
on comprenait de quoi il s'agissait.
Pour nous, chinois, l'atmosphère
mystique que nous y trouvions était très appréciée et jamais je
n'ai trouvé de difficultés pour suivre la messe.
Après, quand je suis devenu un peu plus
grand, j'ai pris connaissance du mouvement liturgique en faveur de
l'utilisation de la langue vernaculaire dans la liturgie et j'ai pensé que
c'était une chose raisonnable. Je réussissais ainsi à mieux connaître la messe
en latin grâce aux traductions. On pouvait aussi lire les lectures, qui,
d'ailleurs, étaient les mêmes pendant toute la semaine, tandis que maintenant
il y a beaucoup de variété.
Certes, le concile a accepté la langue
vernaculaire, mais ce n'est pas une raison pour mépriser les usages antérieurs.
Je me souviens quand je suis allé
enseigner dans le séminaire de Shanghai. J'y ai célébré ma première
messe selon le rite postconciliaire. J'ai prononcé le sermon ; la
messe était celle de saint Jérôme et l'évangile disait que le scribe « est
semblable au maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l'ancien* ».
J'ai donc dit aux séminaristes : « Aujourd'hui, nous
commençons à pratiquer cette nouvelle forme liturgique : faites
en sorte de l'apprendre. Un jour viendra où vous en serez le célébrant
principal et un peu après ce sera à vous de prononcer le sermon
mais il ne faut pas penser que le passé est mauvais ! C'est de la liturgie
d'hier que nous avons reçu la foi, celle elle qui nous a donné notre
vocation, c'est elle qu'ont connu tant de martyrs
: par charité, apprenez ce qui est nouveau mais ne méprisez pas
le passé ! »
Je ne tolère pas quand quelqu'un, en
enseignant des choses nouvelles, se moque des choses du passé. Il ne s'y
trouve pas des choses ridicules mais plutôt des trésors.
Quel est votre souvenir du pape Benoît, le pape du Summorum Pontificum ?
Il est fantastique.
Benoît est un grand homme. Avant tout un grand théologien etje
dirais même un mystique. Quand il parle, quand il écrit, on trouve dans son
enseignement des accents merveilleux. Par exemple, lors de la lettre adressée à
la Chine, il y a eu des brouillons et nous avons donné nos opinions,
etc. mais il a lui aussi ajouté une note personnelle. À un moment donné,
il met en avant le livre de la Révélation, l'Apocalypse, où l'on parle d'un
livre scellé. Il y a sept sceaux et personne ne réussit à l'ouvrir. C'est le
livre de l'Histoire. Lors de cette vision, saint Jean pleura : «
Qui réussira à ouvrir ce livre ? » Voilà l'agneau immolé qui arrive
et lui seul parvient à ouvrir le livre. Ce qui veut dire que nous ne
réussissons à comprendre l'Histoire qu'à partir de Jésus Crucifié. C'est une
méditation fantastique.
Je dis que c'est un Pape qui n'a qu'un
seul défaut : il est trop bon, trop humble, trop patient, il a trop de
répugnance à exercer son autorité, mais on peut l'excuser au vue de toutes ses
extraordinaires qualités, on peut lui pardonner ce défaut. Malheureusement,
quelques-uns ont abusé de cette bonté.
Ce message s'adresse aux
participants du pèlerinage à Rome du peuple Summorum Pontificum :
auriez-vous un conseil pour eux ?
Je me réjouis du fait que dans
l'Église il y ait tant de monde, et beaucoup de jeunes, qui apprécient les
trésors de la liturgie antique de l'Église. Je me réjouis car il
s'agit vraiment d'un trésor qu'au moins une partie de l'Église apprécie et
cherche à maintenir pour le bien de tous. La liturgie antique peut
faire du bien même à ceux qui
ne la fréquentent pas régulièrement, car elle est
une nourriture pour l'âme.