Notre lettre 750 publiée le 21 juin 2020

MESSE TRADITIONNELLE A REIMS (4 éme Volet)
UN SONDAGE POUR MESURER LA DEMANDE LITURGIQUE TRADITIONNELLE

A Reims 54 % des catholiques pratiquants considèrent comme normal que soit célébré chaque dimanche les deux formes du rite romain dans leurs paroisses

Louis Renaudin : Chère Clotilde, Pourquoi avoir fait réaliser un sondage au sujet des catholiques de Reims ?

Clotilde Remy : Il arrive un moment où il faut pouvoir répondre sur pièces à ceux qui ne cessent d’affirmer que nous n’existons pas !


Louis Renaudin : Mais un sondage est une lourde entreprise…

Clotilde Remy : Certes, et ce sont en général seuls les médias ou les collectivités publiques qui ont les moyens d’en commander. Un vrai sondage est un travail scientifique, qui ne peut être mené que par des organismes indépendants disposants d’outils et de panels de qualité, et c’est bien sur vers ce type d’organisme que nous nous sommes tournés.


Louis Renaudin : « Vous » ?

Clotilde Remy : Notre groupe de catholiques rémois et ardennais qui souhaitent vivre sa foi catholique au rythme de la liturgie traditionnelle de l’Église. Mais comme nous ne disposons pas de moyens financiers suffisants, nous nous sommes tournés vers nos amis d’Oremus-Paix Liturgique, qui ont sur ce point une solide expérience, car depuis maintenant 20 ans ils ont commandité plus de 45 sondages en France et dans le monde auprès d’organismes comme CSA, Doxa, Harris Interactive, etc.


Louis Renaudin : Pour quel coût ?

Clotilde Remy : Ce n’est pas donné : un sondage international coûte environ 15.000 € ; un sondage local, comme celui que nous venons de faire réaliser, à Reims ne coûte que 9.000 €. Ce qui reste considérable. C’est pourtant ce que font chaque jour les médias et les pouvoirs publics pour conforter leur discours, n’est-il pas normal que nous soyons capables de faire la même chose ?


Louis Renaudin : Et qui paye ?

Clotilde Remy : Un peu tout le monde, chacun selon ses moyens. J’ai moi-même participé à hauteur de 100 € ; une amie retraitée l’a fait pour 25 € ; un ami plus à son aise a contribué pour 1.000 €. Les petits ruisseaux font les grandes rivières, a-t-on l’habitude de dire. En outre, le fond de soutien de Paix Liturgique a couvert 50 % de l’opération.


Louis Renaudin : Mais pour en revenir à ce sondage rémois que pouvez-vous en dire ?

Clotilde Remy : Nous l’avons commandé à la société Progress Conseil qui a réalisé entre le 8 et le 17 juin 2020 par téléphone cette enquête selon la méthode des quotas auprès de 625 personnes de plus de 18 ans vivant dans l’arrondissement de Reims.


Louis Renaudin : Seulement dans l’arrondissement de Reims ?

Clotilde Remy : Comme c’est dans cette ville que s’exprime notre demande principale, nous voulions obtenir des informations les plus proches du terrain qui est le nôtre.


Louis Renaudin : Quels sont les résultats ?

Clotilde Remy : Ils sont nombreux et fort intéressants.

- D’abord l’enquête nous révèle que 64 % des rémois se reconnaissent comme catholiques : cela indique que la région rémoise est encore une région nominalement catholique – rappelons, pour comparer, que le sondage réalisé en Seine-Saint-Denis indiquait que, dans ce diocèse, moins d’un tiers de la population se reconnaissait comme catholique…

- Le sondage nous fournit ensuite des indications sur la pratique religieuse de ces catholiques dont les résultats sont assez surprenants. En effet il indique que 12 % de ceux qui se reconnaissent comme catholiques disant pratiquer chaque dimanche, auxquels il faut ajouter 5 % qui ne pratiqueraient qu’une fois par mois. Cela voudrait dire que 8 % à 10 % de la population rémoise pratiquerait. Or, nous savons que la pratique réelle est désormais très inférieure à ces chiffres (moins de 2 % de la population). Beaucoup de catholiques déclarant pratiquer ne le font pas ou du moins pas à la fréquence qu’ils déclarent

Je vois dans cette déclaration de pratique un acte de foi. La pratique ayant presque complètement disparu, ceux qui se reconnaissent comme catholiques continuent à déclarer qu’ils pratiquent : c’est un moyen pour eux d’affirmer qu’ils restent très attachés à leurs racines religieuses.


Louis Renaudin : Et comment se situent les catholiques rémois vis-à-vis du motu proprio Summorum Pontificum ?

Clotilde Remy : Eh bien nous sommes dans un diocèse où la connaissance moyenne de l’existence de Summorum Pontificum est inférieure à la moyenne nationale, car elle se situe ici à moins de 30 % des catholiques déclarés. Cela pourrait s’expliquer par la politique d’omerta qui fut menée pendant 19 ans par le précèdent archevêque, Mgr Jordan, qui fut un opposant déterminé à cette paix liturgique que le motu proprio voulait établir.


Louis Renaudin : Pourtant, c’est moins vrai chez les pratiquants...

Clotilde Remy : Oui, malgré une application – et donc une visibilité – presque inexistante du motu proprio, les pratiquants restent les plus intéressés par les débats liturgiques et catéchétiques, et la suite va nous montrer qu’ils peuvent être en relative opposition avec la ligne liturgique officielle. Ils vont voir ailleurs que sur les feuilles paroissiales pour s’informer : ils sont 63 % des catholiques pratiquants à connaitre l’existence du motu proprio, néanmoins 36 % de ces mêmes catholiques pratiquants ignorent l’existence de ce texte, ce qui est tout de même exceptionnel en France.  


Louis Renaudin : Mais revenons aux catholiques pratiquants.

Clotilde Remy : Les chiffres sont pour le coup ce qu’ils sont partout : 49 % de tous ceux qui se déclarent catholiques « trouveraient normal que les deux formes du rite soient célébrées DANS LEURS PAROISSES ». Je dis bien, pas dans une obscure chapelle du diocèse mais DANS LEURS PAROISSES. Cette proportion des catholiques favorables au « vivre ensemble », comme on dit aujourd’hui, grimpe à 54 % pour seuls pratiquants. Chiffre considérable !


Louis Renaudin : Mais avec des opposants...

Clotilde Remy : Vous me rappelez ce prélat, qui un jour me disait : « Mais chère Madame, il y a des gens qui ne pensent pas comme vous… » Certes, lui ai-je répondu, il y en a qui ne pensent pas comme moi, mais il y en a aussi qui pensent comme moi. Je ne mène pas, pour ma part, une croisade contre qui que ce soit, mais en faveur de la paix pour tous et de la justice pour nous ! Je ne suis pas une adepte de la spiritualité du Chemin Neuf, mais je n’empêche pas ses membres de vivre leur foi à leur manière, si elle reste catholique.


Louis Renaudin : Mais ces opposants au « vivre ensemble » liturgique, combien sont-ils ?

Clotilde Remy : Ils sont 14 %, soit trois fois moins que les autres à refuser la cohabitation des rites dans leur paroisse et à penser que celle-ci est anormale. Et ils sont 22 % parmi les catholiques pratiquants. Il faudrait sans doute nuancer, car j’en connais qui ne seraient pas hostiles à une célébration traditionnelle qui aurait lieu en dehors de leurs paroisse…

Mais pour en revenir à l’essentiel, cela nous montre que nous refuser une célébration hebdomadaire au nom d’une soi-disant opposition des fidèles pratiquants est au minimum une erreur. 54 % des catholiques pratiquants sont, si je puis dire, du côté de la charité !


Louis Renaudin : Une bonne majorité des cathos sont charitables : c’est une bonne nouvelle ! Mais combien voudraient profiter de la messe traditionnelle ?

Clotilde Remy : 17,6 % des catholiques pratiquants désireraient vivre leur foi catholique, chaque dimanche, dans leur paroisse, au rythme de la liturgie traditionnelle.


Louis Renaudin : Mais alors, vous existez !

Clotilde Remy : Contre les faits, les faits chiffrés ici, il n’y a pas d’argument : si toutes les facilités étaient offertes pour pratiquer dans les paroisses la messe traditionnelle, de 15 à 20 % des fidèles pratiquants s’y rendraient. Mais attention, car il ne s’agit pas seulement des 17, 9 % qui désireraient assister CHAQUE DIMANCHE à la liturgie traditionnelle car il faut compter en plus les  10,3 % parmi les autres fideles qui  souhaiteraient le faire au moins une fois par mois. Or, comme on sait qu’aujourd’hui, de fait, un « pratiquant » est un fidèle qui va en moyenne une fois par mois à l’église, c’est en fait 28 % des catholiques qui se considèrent comme pratiquants qui désireraient pratiquer selon la liturgie traditionnelle dans leur paroisse.

Alors, je veux bien admettre qu’il y a une part de « vote protestataire » contre la misère liturgique de leurs paroisses, dans les réponses que font à Reims et ailleurs les catholiques pratiquants. Mais oui, nous existons ! Et chiche ! faisons l’expérience pour savoir s’ils sont seulement 16 %, ou 15 % : organisons des messes traditionnelles paroissiales…


Louis Renaudin : Et les autres pratiquants, sont-ils hostiles ?

Clotilde Remy : Pas du tout. 30 % seulement n’iraient jamais à la messe traditionnelle, les autres acceptant volontiers d’y aller soit pour une grande fête comme Noël ou Pâques ou pour une autre occasion comme une communion ou un mariage. La messe traditionnelle reste la messe noble, celle des grandes occasions…


Louis Renaudin : Donc, ce qui ressort de ce sondage c’est le grand nombre de ceux qui sont proche de la liturgie traditionnelle …

Clotilde Remy : Oui, une fois de plus. C’est aussi la preuve que nous ne connaissons que la pointe d’un iceberg bien plus vaste…


Louis Renaudin : La pointe de l’iceberg, en attendant la fonte des glaces, sous l’effet du réchauffement liturgique…

Clotilde Remy : Tout à fait. Depuis maintenant plus de 50 ans des fidèles sont bousculés, parfois violement, et n’ont guère d’occasion d’exprimer librement et loyalement leurs besoins… Ceux qui l’osèrent furent souvent violement rabroués. Le résultat est qu’aujourd’hui comme hier les « silencieux », comme on les appelait jadis, sont… silencieux. Et si les pasteurs n’ont pas la volonté de s’enquérir de leurs besoins spirituels et liturgiques, ils ne les connaîtront pas. Et ils  pourront même croire et affirmer que ces catholiques n’existent même pas, alors que toutes les enquêtes confirment qu’ils constituent un socle stable et permanent qui représente sans doute plus de la moitié de pratiquants français.


Louis Renaudin : En somme, selon vous, on ne laisse pas parler le peuple chrétien. Vous défendez une sorte de « populisme » liturgique.

Clotilde Remy : Je défends une part non négligeable du peuple des fidèles, part non négligeable qu’il n’est pas juste de négliger. Nous demandons à temps et à contretemps, depuis plus de 31 ans, à exister. Si vous lisez le quotidien La Croix, vous verrez, presque chaque semaine, des études et des enquêtes sur des éléments marginaux de notre société, qui méritent parfois qu’on s’y intéresse, je le veux bien, mais jamais vous n’y verrez une attention sérieuse à la pratique traditionnelle de la liturgie, sauf si l’occasion se présente de la caricaturer et de la ridiculiser. Et pourtant, les sociologues et historiens répètent que le catholicisme qui résiste aujourd’hui à la sécularisation est un catholicisme identitaire, « conservateur » (au sens technique : qui cherche à conserver et transmettre). La pratique de la liturgie traditionnelle ne le résume pas, mais elle en constitue un élément fort. Or, nos pasteurs, pour la plupart, n’arrivent pas à avoir suffisamment d’indépendance d’esprit pour faire cette analyse.


Louis Renaudin : Mais si l’on en revient à votre demande, celle-ci est-elle recevable à Reims ?

Clotilde Remy : Elle est clairement recevable du point de vue juridique : Summorum Pontificum vaut pour les paroisses de Reims, comme pour celles du monde entier.

Certes, on pourrait nous répondre qu’à Reims, il n’y a plus désormais – sauf pour les registres paroissiaux – de paroisses, chacune avec un curé, mais qu’il y a des « espaces missionnaires ». Cela me fait penser que le motu proprio de 2007 prévoyait non seulement la possibilité de la messe traditionnelle dans les paroisses, mais aussi la constitution de paroisses personnelles vouées à la messe traditionnelle. Et il s’en est constitué un certain nombre, à Bordeaux, Strasbourg, Blois, Toulon. Toutes choses égales, pourquoi, dans la restructuration du diocèse de Reims, ne pas prévoir un « espace missionnaire personnel », à côté des espaces missionnaires territoriaux, qui serait voué à la messe traditionnelle ?


Louis Renaudin : Un « espace missionnaire personnel » voué à la forme traditionnelle ?

Clotilde Remy : Est-ce absurde ?


Louis Renaudin : Non, mais votre demande est en fait bien plus modeste.

Clotilde Remy : En effet. Nous demandons seulement d’avoir une messe traditionnelle tous les dimanches au lieu de l’avoir tous les mois. Au risque de me répéter, je dis que le lieu existe, l’église Saint Jeanne d’Arc, et que les prêtres qui assurent la messe sont tout disposés à dire cette messe tous les dimanches.


Louis Renaudin : Une dernière question : vous me parlez depuis le début de cet entretien de la ville de Reims et de sa périphérie, mais avez-vous quelque idée du souhait des catholiques des Ardennes ?

Clotilde Remy : Lorsque nous avons commandité ce sondage nous avons préféré qu’il se focalise sur l’arrondissement de Reims, néanmoins je peux vous révéler qu’un premier jet, qui concernait l’ensemble du diocèse, nous avait indiqué que les catholiques ardennais (Charleville-Mézières et Sedan) étaient encore plus motivés que les rémois, mais cela fera l’objet d’une autre rencontre


Louis Renaudin : Clotilde, êtes-vous optimiste ?

Clotilde Remy : Je suis pleine d’espérance ! Mgr de Moulins-Beaufort nous avait demandé de lui faire confiance. C’est avec ce que nous sommes que nous pouvons participer à l’œuvre de ré-évangélisation dans une région où 64 % des habitants se reconnaissent encore comme catholiques.

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