Notre lettre 804 publiée le 21 juin 2021

À DIJON COMME AILLEURS CE SONT LES FIDELES QU'ON ASSASSINE

Paix liturgique – Cher Raymond, pouvez-vous nous faire le point de la situation ?

Raymond Pierre – Partiellement tout au moins, car l’évêché de Dijon est sorti de son silence et s’est exprimé à mon sens d’une manière très claire ( https://www.diocese-dijon.com/actualite/57846-fraternite-sacerdotale-saint-pierre-dijon-pour-remettre-les-choses-en-perspectives/  ) , communiqué auquel la Fraternité Saint-Pierre a répondu point par point, sur un ton posé et très fort (À propos de l’éviction de la Fraternité Saint-Pierre du diocèse de Dijon - FSSP - District de France).


Paix liturgique – Vous voulez dire que Mgr Minnerath a dévoilé ses batteries ?

Raymond Pierre – Oui, sur deux  points. Le premier est qu’il veut les renvoyer « dans leurs paroisses « pour y trouver ce dont ils ont besoin ». C’est une provocation ou un autisme total, lorsque l’on sait que si des familles ont rejoint petit à petit pendant des décennies les communautés traditionnelles, c’est d’abord parce que, dans les paroisses, on les a poussées vers la porte puisqu’elles n’étaient pas satisfaites des nourritures qui leur étaient fournies notamment au niveau du catéchisme.


Paix liturgique – Ah oui, les célèbres coloriages !

Raymond Pierre – Tout à fait ! Cette action irresponsable pour ne pas dire criminelle au niveau de la foi qui a failli éradiquer le catholicisme dans notre pays… en transformant le catéchisme, c’est-à-dire la transmission de la foi, en bouillie pour les chats, inaudible (pensez à cette affiche vantant les mérites du catéchisme dont le programme ambitieux était de « Leur transmettre plus que la Foi » + Photo de l’affiche).


Paix liturgique – Vous pensez donc que c’est d’abord le mauvais enseignement du catéchisme qui est la cause du départ de tant de fidèles vers les communautés traditionnelles ?

Raymond Pierre – Mais bien sûr, et aussi une des causes du départ hors de l’Église de plus de 90 % de ses fidèles (et des dons qu’ils pouvaient apporter !). C’est pourquoi j’affirme que tant que les paroisses de France ne rétabliront pas un enseignement catéchétique sérieux et orthodoxe les fidèles n’y reviendront pas. Permettez-moi de rappeler que c’est au travers de la résistance catéchétique, à la fin des années 60, que sont nés les réseaux traditionnels et que c’est au travers de ces apostolats qu’ils ne cessent de croitre.


Paix liturgique – Mais il n’y a peut-être pas que la question du catéchisme ?

Raymond Pierre – Elle est majeure, mais il y en a d’autres. Jadis, ce fut le dévoiement de la générosité des fidèles vers un CCFD bien peu catholique, ou les accointances des diocèses avec une presse catholiques qui ne l’est plus et qui même parfois est devenu comme le journal La Croix ennemie du catholicisme. Il y a aussi le clergé soixante-huitard qui, même moribond, continue ses destructions dans de trop nombreuses paroisses de France, et enfin la survie du gang des conseils paroissiaux qui forment trop souvent une contre-Église autoproclamée dans la plupart d’entre-elles au grand dam de nombreux prêtres catholiques qui n’arrivent pas à être curés dans leurs propres paroisses. Mais aujourd’hui, surtout, il y a une institution en faillite, qui tourne à vide, avec de moins en moins de prêtres et de pratiquants, remâchant à l’infini des slogans sur une « culture de synodalité », sur le « faire communion », sur « l’accueil de tous » (Ce qui signifie bien sur  « tous » sauf les tradis ) etc.


Paix liturgique – Et c’est dans ces paroisses que les évêques veulent que nous retournions ?

Raymond Pierre – Bien sûr, et cela m’amène à évoquer le second point du communiqué du diocèse de Dijon concernant les fidèles, que je cite ; « Nombre de messages reçus sont hélas révélateurs d’un esprit de rejet de "l’Église conciliaire", comme s’il en existait une autre. » Mais mon Dieu, qu’est-ce que cette Église conciliaire ? Une secte ? Car pour notre part et je le pense pour l’immense majorité des fidèles attachés à la liturgie traditionnelle, nous nous contentons d’appartenir à l’Église catholique mais aucunement « à une Église conciliaire » qui, je l’espère, se reconnait d’abord comme catholique ce dont je ne suis pas sûr.


Paix liturgique – Ainsi vous pensez que faire revenir les fidèles dans les paroisses serait un moyen de les ramener vers un esprit nouveau ?

Raymond Pierre – Tout à fait, le fameux esprit du Concile, car vous devez le savoir : entre l’Évangile et Vatican II, il n’y a rien eu ! Je pense que toutes les tentatives qui ont été entreprises depuis trente ans soi-disant en vue d’un retour « vers l’unité » ont été des tentatives sournoises de ramener les fidèles lucides et opposés aux dérives doctrinales vers les positions ambiguës de ce qu’il faut bien appeler la secte conciliaire. Rappelez-vous que, d’une manière explicite, le motu proprio Ecclesia Dei de 1988 avait pour but d’aider les égarés – entendons ici les traditionnalistes – à revenir dans le giron des innovations conciliaires. De la même manière les tentatives de reprise en main – je pense à celle de Port-Marly en 1986 – consistaient à œuvrer « sans même que les fidèles s’en aperçoivent » à un retour de ces mêmes fidèles, de leurs familles, des vocations qui allaient y naitre (et de leurs porte-monnaie…) dans le giron de la secte…


Paix liturgique – …de la secte conciliaire. Vous êtes bien sévère.

Raymond Pierre – Pas du tout, car je sais distinguer les fidèles et les clercs loyaux, qui adhèrent ou croient adhérer à de nouvelles orientations, mais qui restent fondamentalement catholiques c’est-à-dire qui adhèrent avant tout au Credo de l’Église et à tous ses enseignements prodigués depuis vingt siècles, c’est-à-dire notamment ceux proclamés par tous ses conciles œcuméniques. Sont en revanche de la secte conciliaire ceux qui sont adeptes d’une religion nouvelle, qui n’est pas celle de la foi catholique, essentiellement parce qu’ils n’adhèrent plus au Credo, au dogme et à la morale de l’Église.


Paix liturgique – Mais pour en revenir à la situation actuelle ne pensez-vous pas que celle-ci est d’abord une affaire de « curés » ?

Raymond Pierre – C’est ce que l’on veut nous faire croire… mais ce n’est pas la vérité : la vérité je l’affirme c’est de faire que les fidèles se retrouvant sans prêtres soient « enfin » obligés de se soumettre aux dérives modernes et notamment en ce qui concerne le catéchisme. J’y reviens : tant que cette question du catéchisme ne sera pas réglée clairement, les fidèles ne voudront pas retourner dans leurs paroisses… d’où une nouvelle tentative de leur enlever leurs prêtres.


Paix liturgique – Une nouvelle tentative ?

Raymond Pierre – Oh je dirais même une Xième tentative. Par exemple, quand un évêque (celui d’Agen, durant un temps) autorisait la messe traditionnelle mais interdisait l’organisation de catéchismes ; ou aussi quand un évêque veut éteindre une demande de célébration traditionnelle fournit aux fidèles des prêtres malveillants de son diocèse dont le seul but sera de mettre fin à ces communautés ; ou encore, comme cela fut le cas à Saint-Germain-en-Laye, de tout faire pour empêcher les fidèles d’avoir le secours sacerdotal en usant de tous les moyens… même celui des menaces du genre « on va te détruire ».


Paix liturgique – Voyez-vous une issue ?

Raymond Pierre – Il y a toujours une issue… Qui aurait cru il y a maintenant plus de 50 ans, quand les fabricants de l’« esprit du Concile » ont écartelé la tradition comme on avait écartelé Ravaillac, que cette tradition serait aussi vivante en 2021 ? Cela signifie que même alors, lorsque les hommes d’Église étaient puissants et disposaient de tout, ils n’ont pas pu tuer la renaissance de ce qu’ils voulaient détruire. Alors, pensez bien qu’aujourd’hui, alors que l’Église traverse une crise gravissime (La Chiesa bruscia, l’Église brûle, selon le tire du dernier livre d’Andrea Riccardi, le patron des communautés Sant’Egidio, qui n’est pourtant pas de notre paroisse), et qu’elle ne dispose plus ni d’hommes ni d’argent, l’obligation à une obéissance aveugle et absolue n’est plus efficace auprès des fidèles devenus clairvoyants. L’« Église conciliaire » de Mgr Minnerath se meurt, elle ne peut fondamentalement plus rien.


Paix liturgique – Ce que vous dites est terrible.

Raymond Pierre – Pas du tout ! J’affirme seulement qu’il est temps pour l’Église de France d’agir avec loyauté, réalisme, charité, et avec une humilité correspondant à ce qu’elle est devenue. Ce n’est pas si difficile. La loyauté serait d’instaurer à tous les niveaux – Conférence épiscopale, diocèses et paroisses – un vrai dialogue, et non une politique à la Machiavel… Le réalisme serait d’admettre enfin que la liturgie traditionnelle n’a Jamais été interdite et qu’elle est une richesse qu’apprécient de très nombreux fidèles – certes à côté d’autres qui n’en veulent à aucun prix (et qui sont 5% !). La charité, serait le vrai retour à l’Évangile, dont on nous parle tant… L’humilité enfin ferait prendre conscience aux pasteurs que le catholicisme est presque mort, sauf quelques ilots de « forces vives », dont les catholiques traditionnels.


Paix liturgique – Cette évolution est-elle possible ?

Raymond Pierre – D’abord, il faut croire dur comme fer que la charité est toujours possible dans l’Église. Et puis, cette attitude que je préconise ne coûte rien et demande simplement un mouvement des cœurs. J’ai cité, lors du précèdent entretien, le père François Bustillo, qui est aujourd’hui le nouvel évêque d’Ajaccio, un frère franciscain conventuel dont j’ai dévoré le dernier livre La vocation du prêtre face aux crises. La fidélité créatrice (Nouvelle Cité, 2021. Si, comme je le crois, il ne pratique pas la langue de buis, franchement toutes les espérances de réconciliation sont permises. Imaginez des évêques, un pape peut-être, qui, sans être traditionnels, laisseraient vivre et prospérer la tradition. Pour l’instant, c’est tout le contraire : on veut réduire Summorum Pontificum, on veut « conciliariser » les séminaires traditionnels, on veut faire rentrer dans le moule commun les prêtres traditionnels, comme à Dijon, on veut disperser les communautés traditionnelles. La maison brûle, le catholicisme disparaît, mais on veut rallumer la guerre liturgique. Les hommes d’Église, jusqu’au plus haut niveau, sont pris de folie.

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