Notre lettre 848 publiée le 7 février 2022
UN TOURNANT POUR LE DIOCESE DE PARIS
I – PLAIES ET BOSSES
Dans une Église de France dévastée par la sécularisation, par les scandales sexuels mis en scène pour devenir des armes de destruction massive, voici que le diocèse de Paris, le moins sinistré apparemment des diocèses de France, a été pris dans une incroyable et lamentable tourmente. Tout le monde pronostique que c’en est finie de l’ère Lustiger, commencée en 1981, continuée par le cardinal Vingt-Trois, son successeur, et qui s’est achevée en 2021 par la démission forcée de Mgr Aupetit.
La liturgie traditionnelle pèse d’un poids certain à Paris. Avant les mesures de Mgr Aupetit, 23 messes extraordinaires officielles ou non officielles étaient célébrées tous les dimanches dans 11 lieux de la capitale. La pratique dominicale recensée y atteignait 5000 à 6000 personnes. Or, les pratiquants dominicaux parisiens sont une centaine de mille (voir notre sondage publié dans la lettre n°220). Les pratiquants de la messe tridentine représentent donc au minimum 5 % de l’ensemble des pratiquants parisiens. Ce qui n’est pas négligeable, mais qui est en réalité fort peu par rapport à cela pourrait être dans un régime de vraie liberté, puisqu’un tiers environ des pratiquants « ordinaires » interrogés assisteraient volontiers à la messe traditionnelle si elle était célébrée dans leur paroisse.
Un archevêque de Paris carbonisé
Ce qui est arrivé à Mgr Michel Aupetit, 70 ans, dépasse l’entendement. Homme d’un caractère difficile et volontiers cassant, deux de ses vicaires généraux¸ Mgr Leproux et Mgr de de Sinety, ont claqué la porte du diocèse en démissionnant à quatre mois d’intervalle. Du jamais vu.
Cette affaire était une crise de gouvernement majeure, qui a fragilisé l’archevêque, contre lequel a été alors lancée une campagne manifestement menée par des spécialistes : un article du Point, du 22 novembre 2021, suivi de deux autres attaques de presse, a publié un dossier concernant les « méthodes contestées » de Mg Aupetit, humiliations des subordonnés, liquidation de la communauté progressiste de Saint-Merry, gestion sans aucun dialogue du renvoi du directeur du lycée Saint-Jean-de-Passy, emblématique, quant à lui, de la droite catholique (le directeur du Point étant un ancien élève de Saint-Jean-de-Passy). Avec ce coup de poignard : l’article révélait qu’un mail de Michel Aupetit, plus ridicule que lourdement compromettant, de février 2012 (il n’était pas encore évêque), adressé à une femme, était arrivé par erreur sur la boîte de sa secrétaire.
L’archevêque s’aperçut qu’il n’avait plus beaucoup d’amis pour le défendre. Notamment, alors qu’il avait bénéficié au début de son mandat de l’opinion favorable du monde traditionnel qui appréciait ses prises de position morales courageuses, il se l’était mis à dos irrévocablement en interprétant à sa manière le motu proprio Traditionis custodes : suppression de deux messes dominicales traditionnelles officielles (à Saint-Georges, à ND-du-Travail) et de toutes les messes de semaine officielles (notamment à Saint-François-Xavier, à Sainte-Clotilde) ; réservation du droit de célébrer ces messes aux seuls prêtres bi-ritualistes diocésains expressément autorisés par lui. Chaque suppression de messe engendrant la création d’un chapelet de protestation aux lieux et heures des messes supprimées.
Après l’article du Point, Il ne restait à Mgr Aupetit qu’à présenter sa démission au pape, tout le monde, et lui le premier sans doute, estimant que le Saint-Père la refuserait comme il avait refusé la première démission du cardinal Barbarin et celle du cardinal Marx. Or, non seulement, le pape accepta la démission, mais en outre, il fit suivre cette acceptation, au cours de la conférence de presse donnée dans l’avion qui le ramenait d’Athènes à Rome le 6 décembre, d’une étrange improvisation par laquelle il dénonçait les « hypocrites » qui avaient assassiné moralement l’archevêque, tout en dévoilant les détails lamentables de l’accusation, laissant tout le monde sans voix, y compris les plus déterminés ennemis de l’archevêque.
Le sinistre Mgr Marsset
Nous disons sinistre au sens étymologique pour signifier : prélat de gauche, très conciliaire. Mgr Pontier, ancien archevêque de Marseille, administrateur du diocèse, laissa tout de suite le champ libre aux vicaires généraux, notamment aux évêques auxiliaires, Mgr Thibault Verny et Mgr Philippe Marsset, le « bras gauche » de Mgr Aupetit, qui interpréta strictement les directives pour la réduction de la liturgie traditionnelle, dont il est bien possible qu’il les ait inspirées.
Philippe Marsset est en effet connu pour son hostilité à cette liturgie. À l’époque de Summorum Pontificum, Il était curé de la grosse paroisse Saint-Pierre-de-Montrouge, dans le XIVème arrondissement. Un groupe stable très actif s’était tout de suite formé dans ce quartier de Paris, et avait fait une première démarche, en septembre 2007, auprès du tout nouveau curé de la paroisse Saint-Dominique, l’abbé Slawek Zabiegalowski, qui opposa un refus presque méprisant. Le groupe recueillit 250 signatures et fit une deuxième démarche, début 2008, auprès de l’abbé Philippe Marsset. Après de dures négociations, le curé affolé par la pression de ce groupe qui ne cessait de grossir, accepta, mais l’isola dans la chapelle Saint-Paul, édifiée le long du boulevard Brune, réservée à la communauté malgache, en faisant célébrer à l’heure la moins commode possible (midi). La messe était assurée chaque dimanche par un desservant différent, pour que les fidèles ne puissent pas constituer une communauté autour de lui, le curé Marsset étant toujours présent pour filtrer (il demandait à chacun des fidèles d’où il venait), compter et faire son rapport à l'archevêché. Après trois mois, épuisé, il confia la messe au P. Potez, ancien curé de la paroisse bi-rituelle de Saint-Eugène, curé de Notre-Dame-du-Travail, toujours dans le XIVème arrondissement, qui établit la messe à 18h, messe qui fut paisiblement célébrée par le P. Perruchot, jusqu’à sa suppression récente par Mgr Aupetit.
Précisément, après cette suppression, le 19 octobre, à l’issue de la messe des parlementaires à Ste Clotilde, autre église où la messe traditionnelle, celle du lundi, a été interdite par l’archevêque, un des membres du groupe de paroissiens qui protestait contre cette suppression, a pu s’entretenir durant 5 mn avec Mgr Aupetit, pour lui faire part de l’incompréhension des paroissiens qui assistaient jusque-là à la messe traditionnelle. L’archevêque avait alors déploré, (avec beaucoup de condescendance) qu’il y avait trop peu de prêtres diocésains formés au rite tridentin et qu’il n’en n’avait aucun pour maintenir la messe de Ste Clotilde. Son interlocuteur lui a répondu que si c’était sa seule condition pour rétablir la messe, il se portait fort de lui en présenter un. En fait, il en trouva quatre !
Le curé de Ste-Clotilde accepta de porter lui-même l’information à l’archevêché, après le départ de Mgr Aupetit : il se vit opposer une fin de non-recevoir catégorique de Philippe Marsset, qui lui répondit que l’archevêché n’était pas tenu par les paroles de Mgr Aupetit, que s’il acceptait cette demande il s’en verrait présenter une dizaine d’autres, et qu’il était donc hors de question de la recevoir.
Le dextère Mgr Chauvet
Ici encore, dextère est au sens étymologique. Une autre herméneutique de Traditionis custodes, plus large, existe en effet aussi à Paris. Mgr Patrick Chauvet, recteur de Notre-Dame hors les murs (à Saint-Germain-l’Auxerrois) responsable en titre de ce qui concerne la liturgie traditionnelle dans le diocèse, estimait en 2009, à l’époque de Summorum Pontificum, devant le GREC, groupe de rencontre entre catholiques, qu’il serait « normal qu'à terme la forme extraordinaire soit célébrée dans tous les doyennés. »
Après les décisions de Mgr Aupetit, il a publié une vidéo intitulée : « À propos du Motu Proprio Traditionis custodes du pape François », du 14 septembre 2021 (Mgr Patrick Chauvet - À propos du Motu Proprio "Traditionis » Custodes" du pape François - YouTube). Elle contient un passage très intéressant, qu’on noté tous ceux qui protestent contre les mesures de Mgr Aupetit au sujet de la messe traditionnelle. Mgr Chauvet y faisait l’ouverture suivante : dans les paroisses où la messe traditionnelle a été « pour l’instant » supprimée, « que les fidèles ne s’inquiètent pas, quand il y aura une mise en place d’une célébration, il y aura des prêtres de Paris qui célèbreront les deux missels, et qui pourront à l’occasion pouvoir célébrer une messe » (passage 0,58 à 1,16 de la vidéo). Ainsi donc, pour commencer, en certaines occasions, des célébrations traditionnelles par des prêtres diocésains désignés pourraient avoir lieu dans les lieux où la messe tridentine était précédemment célébrée.
Tout va donc dépendre de l’herméneutique de Traditionis custodes qu’adoptera le futur archevêque de Pais.
(À suivre dans une prochaine Lettre : Un tournant pour le diocèse de Paris – II – Vers une autre époque)