Notre lettre 850 publiée le 22 février 2022

UN TOURNANT POUR LE DIOCESE DE PARIS

II – VERS UNE AUTRE EPOQUE ?

Dans une récente Lettre ( n. 848, du 7 février 2022 : Paix Liturgique France ), nous avions parlé des plaies et bosses qui affectaient aujourd’hui le diocèse de Paris.

À qui pourrait échoir ce diocèse traumatisé ? Il est possible – mais en cette matière, le possible n’est jamais certain – que le Pape va profiter de l’occasion pour clore l’ère Lustiger. Dans l’hypothèse inverse, soit Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims, président de la Conférence des Évêques, serait tout désigné pour la continuer, ce qui ne serait pas une mauvaise nouvelle pour la liturgie traditionnelle qu’il traite désormais avec un bienveillant réalisme, ou encore Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre, qui n’est pas a priori ennemi du monde traditionnel. Parmi les non parisiens, on parle, entre autres, de Mgr Lebrun, archevêque de Rouen, de Mgr François-Xavier Bustillo, archevêque d’Ajaccio ( cf. notre Lettre 801 du 7 juin dernier, où nous évoquions le beau livre : La vocation du prêtre face aux crises. La fidélité créatrice, Nouvelle Cité, 2021), du plus inquiétant Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille, qui avait été écarté de la nomination parisienne par le cardinal Vingt-Trois.

On évoque aussi, assez souvent, Mgr Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, dont on dit qu’il serait un des nouveaux cardinaux du tout prochain consistoire. C’est cette hypothèse que nous présentons ici comme telle, une simple hypothèse.


Un autre homme pour une autre époque ?


On estime que la nomination parisienne pourrait avoir lieu entre Pâques et Pentecôte. A moins que la Trinité ne passe… De toute façon, la nomination du nouvel archevêque va se faire dans la dernière phase du pontificat du pape François. Bien des choses pourront être bouleversées, dans l’Église entière comme à Paris.

Si l’on considère l’hypothèse Jean-Marc Aveline, on découvre un prélat clairement classé parmi les prélats progressistes. Intelligent, souple, très chaleureux dans les rapports humains, il est réputé grand ami du pape.

Né en 1958 à Sidi Bel Abbés, en Algérie, il fut ordonné prêtre par Mgr Dufaux, pour le diocèse de Marseille, en 1984. Directeur des études au séminaire de Marseille, il fonda, en 1992, l'Institut de Science et Théologie des religions (ISTR), et obtint, en 2000, un doctorat en théologie : Pour une théologie christologique des religions. Tillich en débat avec Troettsch. Il fut repéré par Mgr Coffy, dont il hérita de la crosse, mais fut oublié pendant près de deux décennies, car considéré par les nonces apostoliques ratzinguériens comme trop à gauche (il avait publié : Dialogue islamo-chrétien dans l’esprit d’Assise, avec Roger Michel (Gallimard, 2011).

Mgr Pontier, son nouveau protecteur, archevêque de Marseille, le prit comme auxiliaire en 2013, et c’est tout naturellement qu’il lui succéda en 2019.


L’accueil des migrants


Président du Conseil pour les Relations interreligieuses et les nouveaux courants religieux de la Conférence des évêques de France, Jean-Marc Aveline est très investi dans l’œcuménisme et le dialogue interreligieux. Il se montre très clairement favorable à l’accueil des migrants en terre de France, Marseille étant un observatoire privilégié pour ce phénomène. « J’ai été baigné dans cette ville, dit-il à La Croix (8 août 2019), je suis imprégné de sa culture et de sa vocation ». Une vocation qu’il définit comme à la fois « européenne et méditerranéenne », avec dans le même temps un lien fort avec les chrétiens d’Orient.

Sa nomination à la tête de « cette petite Église atypique qui ressemble à celle du Maghreb », comme la qualifie toujours selon La Croix, Mgr Aveline, a été chaleureusement saluée par le trombinoscope de Golias de 2019 lui ait décerné 5 mitres : « La nomination de Mgr Aveline, succédant au brave Georges Pontier qui était arrivé jusqu’au bout de ses forces ». Et Golias de continuer : « Un homme intelligent, vrai sens pastoral, soucieux de ses paroissiens et du dialogue avec les autres cultures […] ; nous ne boudons pas notre plaisir, on va respirer de l’intelligence à pleins poumons. »

Dans une conférence sur le dialogue islamo-chrétien (Conférence sur le dialogue islamo-chrétien à Boulogne-Billancourt le 19 octobre 2021), il expliquait : « C'est dans le faire et le vivre ensemble plus que dans la discussion et les débats théoriques que la vie interreligieuse et l'action islamo-chrétienne peuvent et doivent se développer ». Il est importants, selon lui, de ne pas étudier les religions comme différentes doctrines qui s’affrontent, mais il est préférable de se mettre sur le terrain de la vie, d’essayer de répondre ensemble à des questions fondamentales rencontrées par chacun de nous : « Qu’est-ce que la vie ? Qu’est-ce que la mort ? La souffrance ? Le mal ? Le bonheur ? Pour nous à Marseille, par exemple aujourd’hui : Comment lutter contre les maffias qui tuent les petits ? »

Mgr Aveline n’a cependant par réussi à convaincre le pape François de venir à Marseille présider une grande célébration dont le thème eût porté sur les migrations méditerranéennes.


Mais chantre de la Légion étrangère


Mais le 27 janvier 2019, ce pied-noir natif de Sidi Bel Abbès, berceau de la Légion Étrangère, lui a rendu un vibrant hommage, sur le thème : pour les légionnaires comme pour les prêtres, le merveilleux annonce le tragique et la mission est parfois synonyme de sacrifice ; des légionnaires tombent pour la France en Afrique pendant que des prêtres meurent pour leur foi au cœur d’un quartier musulman des Philippines : « Ne pas dévier de sa mission, même au péril de sa vie, c’est faire l’expérience du salut, on va jusqu’au bout à cause de ce que l’on croit. […] À la Légion on accueille des jeunes qui malgré leur passé ont promis de donner leur vie à la France. Et les prêtres, eux, donnent leur vie à Dieu en essayant de lui ressembler jusqu’au bout. »

Peut-être sont-ce ses réflexions contre le contre le laïcisme et contre l’islamisme (voir lycée Notre-Dame de Sion à Marseille, novembre 2020), au nom d’une « saine laïcité », qui ont attiré particulièrement l’attention des hautes autorités ecclésiastiques : « Citoyens de France, soyons donc vigilants ! Ne laissons pas l’émotion submerger la réflexion. Ne laissons pas la peur éteindre l’espérance. Ne ployons pas le genou devant les idoles d’aujourd’hui : ni devant la terreur menaçante de l’islamisme, cette idéologie déguisée en religion, ni devant l’injonction provocante du laïcisme, cette intransigeance déguisée en moralisme. Le laïcisme voudrait exclure le religieux de l’espace public, le rendant ainsi, paradoxalement, encore plus dangereux. La laïcité, au contraire, veille sur la liberté de croire et de ne pas croire. »

On a tout de même du mal à s’y habituer, les évêques de France (voir le document de la CEF : L’Espérance ne déçoit pas. Déclaration du Conseil permanent à l’occasion de l’année électorale 2022 – Bayard, Mame, Cerf, 2021) invoquent désormais la « bonne » laïcité au secours de la liberté des catholiques…


Et point ennemi de la liturgie traditionnelle


Dans le diocèse de Marseille, on trouve un nombre conséquent de messes traditionnelles :

. Des messes de la FSSPX, à Aix-en-Provence, à Alleins, Carnoux, à Marseille, dans la belle église Saint-Pie-X, rue du Tapis-Vert et aussi dans la chapelle de l’Immaculée-Conception, rue de Lodi et au prieuré Saint-Ferréol.

. Et des messes « officielles » :

. Des Missionnaires de la Miséricorde divine, à l’église Saint-Charles, rue Grignan, à Marseille.

. A la chapelle du Bon-Jésus, par l’abbé Héry de l’IBP, à Marseille.

. A l’hôpital militaire Laveron, par un prêtre aux Armées, à Marseille.

. Et dans un cadre paroissial, à Salon-de-Provence, dans l’église Saint-Michel, par des prêtres diocésains.


Tout le monde a remarqué que, le dimanche 9 janvier, Mgr Aveline, est venu célébrer une messe pontificale dans le rite tridentin, dans l’église saint Charles, desservie par les Missionnaires de la Miséricorde divine (les abbés Éloi Gillet et Vincent Marie-Jeanne). Il a, à cette occasion, remercié les Missionnaires pour leur travail exemplaire et pour tout ce qu'ils apportent au diocèse.

On n’est donc pas étonné, au total, qu’un profil épiscopal tel que celui de Jean-Marc Aveline ait beaucoup plu au cardinal Ricard, qui aurait bien voulu le voir lui succéder à Bordeaux. Le fait est que le diocèse de Bordeaux, sous la conduite du cardinal Ricard, a été l’un des plus accueillants de France aux divers courants traditionnels. Un même progressisme libéral en somme fait se ressembler ces deux hommes.

A la une

S'abonner à notre lettre hebdomadaire

Si vous désirez recevoir régulièrement et gratuitement la lettre de Paix Liturgique, inscrivez-vous.
S'ABONNER

Paix Liturgique
dans le monde

Parce que la réconciliation liturgique est un enjeu pour toute l'Église universelle, nous publions tous les mois des lettres dans les principales langues du monde catholique. Découvrez et faites connaître nos éditions étrangères.

Télécharger notre application

Soutenir Paix Liturgique