Notre lettre 940 publiée le 9 juin 2023

UN SCANDALE AU CENTRE SEVRES...

ET IL PARAITRAIT QUE LES "TRADIS"
METTRAIENT EN DANGER L'UNITE DE L'EGLISE...


Dans une ambiance un peu tendue, le centre Sèvres organisait le 30 mai dernier une conférence du théologien anglais homosexualiste James Alison, un ancien dominicain chassé de son ordre et renvoyé de l'état clérical, intitulée « Catholiques et homosexuels, un accès particulier pour vivre le Credo ».

Pourquoi tendue ? Car les tenanciers du centre craignaient que les « Tradis » viennent perturber ladite conférence, « car elle a été annoncée sur Riposte Catholique le 9 mai dernier ". Au point de maintenir fermée la grille qui sépare le centre Sèvres de la rue et de pousser le gardien des clés à tourner en permanence aux abords de la salle occupée par 70 personnes pour 250 places, dont une bonne vingtaine d'étudiants du centre Sèvres, des militants LGBT et beaucoup de cheveux blancs... et où rien ne s'est passé. Du reste, il aurait été fort dommage de perturber un propos si hétérodoxe, mais qui permet de mieux comprendre certains processus et certaines hérésies partagées en si haut lieu.

Riposte Catholique précisait au sujet de James Alison qu'il avait été réduit à l'état laïc et renvoyé à l'ordre dominicain, mais que le Pape François lui avait rendu la faculté de confesser et d'absoudre, avant de passer un droit de réponse de Frédéric Martel une autorité en cette matière qui fut immédiatement publié ou il précisait ce que nous reproduisons « l'Eglise ne réduit plus personne à l'état laïc. De temps en temps elle renvoie des clercs de l'état clérical. Le cas du père Alison est même plus irrégulier […] puisque le saint Père lui a confirmé son ministère en juillet 2017 [...] Il serait plus juste que vous disiez, « prêtre avec l'aval du Pape François invité à parler par le Centre Sèvres ».

Centre Sèvres tenu par les jésuites, qui sont aussi la congrégation du Pape. Doit-on en conclure que le Pape François et sa congrégation endossent les propos tenus plus bas ? A chacun d'en juger.


LA CONFERENCE PAS A PAS


Le prêtre âgé qui l'a présenté a affirmé, d'emblée : « nous nous sommes connus au Mexique où nous partagions des aventures pieuses et folles, lui comme charismatique et dominicain, moi, autorisé par la dignité des supérieurs jésuites ». Ceci étant posé, il a embrayé sur « son travail sur Rémi Girard, auquel James Alison a ajouté deux accents. Grâce à sa formation dominicaine, il a une grande sensibilité pour le texte du nouveau Testament, le second est son intégration avec l'expérience d'un jeune homo dans une Eglise et une culture tout à fait respectable mais qui ne savent que persécuter les personnes qui ne rentrent pas dans les standards […] Il a une manière très créative de lire l'Evangile comme le signe d'un Dieu qui refuse absolument être la projection des dynamismes agressifs de la société. C'est une nouvelle manière de penser la théologie et même le Credo, avec plusieurs sources pour la reconstruction de notre Foi ».

Paix liturgique : Autrement dit, ce qui suit, n'appartient manifestement plus au domaine de la Foi catholique – mais à une croyance, quelque chose de tout à fait différent.

James Alison prend alors la parole afin de remercier pour cette présentation « remarquable. L'amour du Nouveau Testament, c'est la base de la foi chrétienne. C'est le nexus mysterium de la foi chrétienne ». Avant de tenter, dans un français hésitant, une captatio benevolentiae : « puisque aujourd'hui c'est la fête de sainte Jeanne d'Arc, je suis le petit anglais qui s'offre au bûcher pour vous les français ».



LA NEGATION DU SACRIFICE DU CHRIST


« La question gay comme on dit en anglais est une discussion par procuration sur le sacrifice du Christ et l'expression d'inquiétudes – si on est libéral sur la question homo, va-t-on devenir libéral sur le sacrifice du Christ ? Or, selon la façon dont on comprend la question du Sacrifice [du Christ] on peut ou non bouger sur la question homo.

Il y a la faute d'Adam [le péché originel], après laquelle tout doit être pardonné. Jésus a dit à Dieu, je me fais homme et je peux faire un sacrifice humain pour apaiser ta rage, il l'a convaincu et a payé le prix du péché originel. Dieu lui a alors dit, tous ceux qui croient en toi peuvent être sauvés, tous ceux qui sont en-dehors la subiront toujours. Dans ce monde là, la messe serait la répétition du Sacrifice, le prêtre qui offre une victime à Dieu. Le menu, le paiement du péché originel, est dans la littérature en hébreu [la liste des péchés dans l'Ancien Testament], le sacrifice sert à créer le groupe des bons, qui ne sont pas comme les mauvais, et il ne faut jamais changer le menu.

Si on remet en cause la liste des péchés [dont la sodomie, qu'il ne nomme jamais] vous êtes accusés de remettre en cause le sacrifice de Jésus ; il s'agit d'un chantage émotionnel, classique dans la prédication de Carême, ''j'ai tellement souffert pour vous, et vous continuez à pécher ?'' Cette notion de sacrifice ferme la question de la bonté et rend "inquestionnable" le péché. Il est impossible d'apprendre quelque chose de nouveau, par rapport à la Bible et au magistère de l'Eglise.

Si on suggère qu'il y a quelque chose à apprendre des personnes homosexuelles, on déduit que le prix de Jésus n'a pas été bien payé et que la liste des péchés n'était pas la bonne. René Girard nous apprenait comment fonctionnait le sacrifice dans le monde ancien et que le sacrifice du Christ en est une subversion. Dieu en présence entrait dans un lieu où on sacrifiait des personnes, au milieu de notre violence, dans une mort qui donne l'impression d'être un sacrifice, mais qui n'est qu'un meurtre par la foule (turba) dans une confusion du religieux et du civique. Dieu entre à la place du condamné, vit la misère, la condamnation à mort, il meurt et il montre qu'il aime.

C'est un amour qui ne vient pas de haut en bas – je me sacrifie pour vous, bien que je ne vous aime pas – mais côte à côte – je vous aime bien. A partir du moment où Dieu a dit « écoutez mon fils » la voie paternelle est devenue fraternelle. Dans cette situation, on peut découvrir des choses – pas dans la version aztèque, si vous me permettez ce mot, où le sacrifice est un paiement à un Dieu enragé. L'amour, c'est l'ouverture du raisonnement.

« L'invention de l'héterosexualité » et la chasse aux sorcières

Le fait qu'on a déjà une victime qui nous pardonne, quand nous nous réunissons à chaque fois pour répéter le mécanisme sacrificiel, nous nous réunissons par contraste avec quelqu'un, Jésus nous dit ''vous avez déjà fait ça''. Il y a-t-il moyen de faire autre chose et de ne plus former des cercles unanimes contre les autres ? En cessant de faire l'unité contre la sorcière, on s'ouvre à l'apprentissage de la réalité. Au moment où l'on cesse de croire que les sorcières causent la grêle, on s'ouvre à la possibilité d'apprendre les causes scientifiques, météorologiques de la grêle.

C'est pareil pour la Foi chrétienne moderne, on peut joindre l'ouverture à la connaissance de la Foi. Une manière relationnelle et pas seulement proportionnelle. Evidemment, pour la question homosexuelle, on a suivi la même route que pour les sorcières. Chez nous, la question apparaît avec l'invention de l'hétérosexualité, j'espère que c'est évident pour vous. A partir du XVIIe, les garçons et les hommes sont élevés ensemble, les filles et les femmes ensemble, il y a le développement du mariage et du compagnonnage au nord de la France, du mariage arrangé avec la vigilance de tous les proches, c'est devenu la norme – et on a commencé à détecter les personnes qui ne s'inscrivaient pas dans ce monde, et qui dans un monde homosocial seraient restées invisibles.

L'homosexualité a suscité des questionnements médicaux, criminels, psychiques, des interrogations sur un caractère pathologique – en tout cas, quelque chose d'abîmé. Puis il y a eu les deux guerres mondiales, avec une masse de gens de ce type qui se sont retrouvés côte à côte sous les drapeaux, puis leur démobilisation – il faut de grands mouvements sociaux pour que ça bouge. Aux Etats-Unis après la seconde guerre mondiale, c'est la première fois que les homosexuels cessent d'être regardés comme un problème, que la chasse aux sorcières cesse et qu'on peut évoquer les causes sociales.

Un élément de la question qui est absolument central – si on est gay ou lesbien on passe tous par là – c'est de s'interroger s'il s'agit seulement d'un hédonisme qui nous donne une vie sexuelle très riche, mais s'est une façon de se tromper, ou si on est en profondeur homosexuel. C'est une question importante de savoir si, comme nous disent les congrégations romaines presque littéralement, vous n'êtes que des personnes intrinsèquement hétérosexuelles avec un grave désordre...

Ou si on est porteur d'un variant minoritaire et non pathologique de la condition humaine qui était jadis considéré comme un grave désordre. Le fait d'être gaucher n'est pas pire ou meilleur que d'être droitier. Dans la vie de la foi, ces questions viennent avec la conscience – cette dernière est patiente, elle ne saute pas les étapes, elle veut la vérité.

Or, si on suit le petit Ratzinger, agere sequitur esse, on agit selon ce qu'on est. La question est, est-ce que j'irai au Ciel comme je le suis, ou, si on suit la version sacrificielle, malgré une part de ce que je suis ?

( Paix liturgique :L'enseignement de l'Eglise au sujet du mariage et de la procréation à la poubelle ?)

La seconde question de conscience, surtout chez les jeunes qui ne connaissent pas trop la morale catholique, mais qui savent juste que l'Eglise dit du mal des gays – une fois qu'on a trouvé ce qu'on est, c'est l'épanouissement de soi. Or, le fait même qu'on ne désire pas d'enfants [dans une relation sexuelle ou de couple] est vu par l'Eglise comme désordonné.

Dans la seule façon de l'Eglise de parler de nous, les LGBT, c'est une déduction négative à partir de l'acte marital – aucune source de l'Ecriture ne compte, elles n'ont rien à voir et la congrégation du Rite a fini par conclure qu'il était inutile de convoquer tous ces textes qu'on utilise habituellement pour condamner l'homosexualité. Ce qui est possible si on est des hétéros abîmés, pas si notre identité profonde, c'est l'homosexualité – car il y a une tendance innée à la gloire de Dieu.

Donc l'Eglise n'a pas d'enseignement strict sur la question LGBT, ses seules sources sont des passages des Ecritures qu'elle reconnaît elle-même être sans rapport avec la question qui est de savoir si quelqu'un qui est porteur d'un variant minoritaire non pathologique doit être accepté comme il est ou critiqué par les hétéros ?

C'est là qu'on se rapproche de la question de la synodalité – doit-on pouvoir en parler ou doit-on se voir dénier la parole par des personnes qui nous traitent de fous qui se prennent pour Napoléon ? La question synodale, c'est de parler de tout ça entre frères, d'accepter qu'il n'y a aucune voie paternelle ou magistérielle en dessus ou en dessous de nous, le magistère est entre nous, et c'est ce que le pape François développe dans Amoris Laetitia. La seule voie de Dieu est fraternelle – il n'y a pas de voie paternelle dans l'Eglise.

Idem pour les LGBT. Gustave Martelet disait à Paul VI à l'époque d'Humanae Vitae, s'il laissait tomber le lien entre relation sexuelle ou amoureuse et procréation, l'Eglise n'aurait plus de raison logique de condamner l'homosexualité. Si le monde chrétien persiste, il y a un bon Credo à partager avec le monde ».

Sa conférence terminée, une dame du centre Sèvres rappelle, avec regret, que « dans cette maison il y a des cours de théologie morale et des étudiants viennent de milieux où les positions des supérieurs sur ces questions ecclésiastiques sont très verrouillées. La synodalité, c'est l'importance de la parousie, parler en vérité et ouvertement ».

Paix liturgique :La synodalité, est-ce d'empiler les hérésies en affirmant qu'il s'agit de science, de vérité, d'identité profonde et de Credo à partager avec le monde ? Vous avez quatre heures...

James Alison revient sur le sujet, à la faveur d'une question - «il y a un document formidable signé par Ratzinger en 1983 qui explique comment éviter le fondamentalisme et surtout ne pas actualiser des textes qui vont contre la charité. La traduction fondamentaliste est une trahison.

L'an dernier le document Che cosa e l'Uomo en italien [en 2019 en réalité] a rappelé que les textes souvent évoqués dans la Bible pour condamner l'homosexualité n'avaient rien à voir avec – le terme homosexualité a été inventé en 1869 par un psychiatre allemand qui tentait de décrire des types de personnes, dans l'Antiquité ; il y avait d'autres façons de comprendre et désigner ce type de relations.

Aujourd'hui grâce à Dieu on commence à avoir des évêques qui reconnaissent qu'on ne sait plus quoi dire sur la question de l'homosexualité, comme Mgr Boni d'Anvers qui a très bien dit que le Vatican devait changer son enseignement. Mgr Hollerich, cardinal archevêque du Luxembourg [et rapporteur du synode sur la synodalité] a parlé très sagement sur ces questions, il a affirmé notamment que la connaissance biologique de l'Eglise datait du IIe siècle après Jésus Christ et était à des années lumières de la connaissance actuelle – à l'époque, ils pensaient que le sexe des enfants à naître dépendait du sens du vent, alors.

Du reste, c'est une des raisons principales pour lesquelles les jeunes quittent l'Eglise – ils sont nobles, et ils ont des amis LGBT avec lesquels ils parlent librement ».

Paix liturgique :James Alison n'a pas été à Chartres non plus...



ECHOS DES DEBATS : LES OEILLERES DE LA SYNODALITE


Parmi les quelques questions, une dame au cheveux blancs se lance : « vous insistez sur l'anomalie. Je suis une mère de famille d'un certain âge, je me suis occupée de jeunes en difficulté, et dans toutes les confidences que j'ai reçues de jeunes homos et lesbiens, ils m'ont affirmé qu'ils ont été détournés par des adultes et ça les a conduit à tomber dans l'anomalie ». Une question qui suscite des murmures dans la salle.

Pas de quoi faire dérailler James Alison, très prompt à critiquer « ceux qui sont dans un monde mensonger et ne veulent pas voir » et qui a cité peu avant la CIASE – mais sans préciser que selon les statistiques du rapport Sauvé, la grande majorité des viols sur mineurs recensés sont homosexuels, et que l'extrême majorité des prédateurs interrogés par la commission affirment avoir agi pour des mobiles d'attirance pour le même sexe, mais qui n'a visiblement aucune envie de répondre :

 « beaucoup d'hétéros ont été maltraités dans leur enfance et ne sont pas devenus LGBT. Je crois que l'orientation sexuelle, selon les scientifiques, peut être changée ». Revenant à sa question, la dame le relance : « on en revient à l 'Education et à l'importance de la vigilance des parents ». Alison continue à répondre à côté – « non pas du tout. Pour la morale catholique les causes, l'étiologie, n'est pas si importante que le devenir, savoir où on va ».

Pendant ce temps Alison – qui n'a visiblement pas lu le rapport de la CIASE – assène : « il n'y a pas de question pathologique ni de troubles sexuels supplémentaires chez les homos ou les hétéros – on est touchés pareil. Et une bonne éducation ne changera rien à l'orientation sexuelle ».

La dame lève les yeux au ciel. Elle vient de constater que la synodalité et l'ouverture sont d'autant mieux qu'elles ne souffrent aucune remise en cause tout en prêchant le dialogue


REFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE


1- Avec cet exemple concret et récent il est clairement démontré qu'il existe aujourd'hui au sein de l'Eglise, et avec les soutiens d'une part significative de la hiérarchie catholique, des personnes et des institutions parfois "prestigieuses" qui défendent des idées tout à fait nouvelles mais étrangères à la pensée bimillénaire de L'Eglise.


2 - Ce n'est pas à nous, simples laïcs, qu'il appartient de juger, et moins encore de condamner ou d'exclure ; cela appartient à la hiérarchie de l'Eglise. Nous reconnaissons, qu'elle a su parfois le faire, notamment au sujet de James Alison qui a été à la fois exclu de l'Ordre de Saint-Dominique et réduit à l'état laïc, mais il a aussi en quelque sorte été réintégré par la plus haute autorité de l'Eglise à laquelle nous appartenons.


3 - Cette situation apparaitra tout à fait incompréhensible aux croyants ordinaires, c'est à dire à la plupart d'entre nous qui, malgré nos expériences et nos études profanes, restons de simples laïcs ( comme cela semble le cas de la dame qui assistait à la conférence) . Mais elle nous permet de poser une question : Pourquoi deux poids et deux mesures ? Pourquoi sommes nous persécutés pour notre attachement à une Foi et à une tradition liturgique bimillénaire au motif que nous mettrions en danger l'unité de l'Eglise alors que d'autres Déjà, partis on ne sait où, semblent bénéficier d'une sollicitude toute paternelle ?


4 - Et bien cette situation nous ne l'acceptons pas et ne l'accepterons jamais et à ceux qui veulent propager la guerre, la haine et l'exclusion nous disons haut et fort que nous ne lâcherons rien de la foi de nos Pères.  



A la une

S'abonner à notre lettre hebdomadaire

Si vous désirez recevoir régulièrement et gratuitement la lettre de Paix Liturgique, inscrivez-vous.
S'ABONNER

Paix Liturgique
dans le monde

Parce que la réconciliation liturgique est un enjeu pour toute l'Église universelle, nous publions tous les mois des lettres dans les principales langues du monde catholique. Découvrez et faites connaître nos éditions étrangères.

Télécharger notre application

Soutenir Paix Liturgique