Notre lettre 1037 publiée le 15 mai 2024

LA LANGUE HERMETIQUE
DES EVEQUES FRANCAIS
OU COMMENT LA LANGUE DE BUIS
SE REVELE ETRE DU BLA BLA...

Depuis plus d'un demi-siècle la réforme liturgique et l'usage des langues vernaculaires ont été justifiés par la nécessité d'assurer aux fidèles une meilleure compréhension des textes de la messe et du dogme. Force est de constater qu'à force de se prendre pour des préfets qui administrent la pénurie (de prêtres, de fond, de vocations, de moyens...) les évêques se sont reconstitués une novlangue totalement hermétique – y compris au bon sens – qu'ils dispensent bien allégrement au gré des lettres pastorales.

Ce 23 août, Riposte Catholique a mis en ligne un extrait particulièrement carabiné de celle laissée par Mgr Delmas à Angers le 29 juin pour l'été 2023. Deux mois ne seront pas de trop aux fidèles et prêtres angevins pour tenter de comprendre des assertions comme celle-ci : “dans leurs missions confiées par l’Église, les différents conseils de la vie diocésaine sont invités à vivre un « marcher-ensemble » du peuple de Dieu. Il traduit « le chemin de la synodalité (…), le chemin que Dieu attend de l’Église »15 jusqu’à devenir un « style particulier qui détermine la vie et la mission de l’Église“.

Mais il y en a sept pages ! Pour annoncer par exemple la disparition d'un vicaire épiscopal et la réorganisation du diocèse en quatre doyennés, Mgr Delmas se laisse aller : « la mission de l’Église et, en particulier, la Parole qu’elle pose dans notre monde est attendue par beaucoup de nos contemporains. Elle est même source d’Espérance et participe de l’œuvre du Salut pour tous. Dans le contexte que nous décrivons, à la suite du pape François, nous recevons cet appel à une conversion pastorale de l’Église diocésaine pour le service de l’annonce de l’Évangile.

L’Évangile du Christ nourrit la raison profonde du renouvellement de l’organisation de l’Église diocésaine appelée à toujours plus rechercher sa fidélité dans sa vocation profonde1 , son être et plus particulièrement sa vocation missionnaire. « Sans une vie nouvelle et un authentique esprit évangélique, sans fidélité de l’Église à sa propre vocation, toute nouvelle structure se corrompt en peu de temps ». Le renouvellement de la vie ecclésiale ne résulte pas en premier lieu de la nouveauté qu’elle suscite mais bien de la fécondité qu’elle insuffle au service de la mission qu’elle est appelée à servir. S’il s’agit de convertir nos structures ecclésiales pour toujours plus servir le dynamisme de l’évangélisation, il en va aussi de notre propre conversion personnelle comme fidèles du Christ appelés à répondre à notre vocation de « disciples missionnaires ».

Et ce n'est que la moitié du premier paragraphe !

Un peu plus loin, il détaille l'organisation rêvée de son diocèse – une belle structure administrative sur le papier. Le souci des fidèles paraît très loin : « j’ai invité les paroisses à réfléchir à de nouvelles collaborations pour mieux répondre au défi de l’annonce de l’Évangile. En se constituant en « pôles d’animation missionnaire », deux ou trois paroisses sont appelées à une forme d’alliance pour conjuguer une vision pastorale commune et mieux servir la mise en œuvre d’actions pastorales missionnaires. Ces pôles d’animation missionnaire ne constituent pas une nouvelle structure canonique. C’est ainsi que la définition territoriale des paroisses actuelles demeure.

Si chaque communauté paroissiale reçoit, en un lieu donné, cette même mission de servir l’annonce de l’Évangile, la constitution d’un « pôle missionnaire » permet de soutenir l’ensemble des fidèles d’une communauté paroissiale dans les moyens et les modalités de l’animation de la vie paroissiale . Dans cet accompagnement pastoral et en raison du sacrement qu’ils ont reçu, les prêtres sont particulièrement invités à vivre de nouvelles collaborations entre eux et bien sûr avec l’ensemble des fidèles laïcs.

Le renouvellement de l’accompagnement territorial trouve une nouvelle traduction avec la constitution de quatre doyennés . Cette évolution me suggère d’approfondir ici la mission renouvelée du doyen. Le doyen reçoit la charge de servir la communion dans son doyenné. En lui demandant d’être attentif aux personnes ayant reçu une nomination ou une lettre de mission, sa sollicitude s’exerce concrètement dans cet accompagnement et le soutien des fidèles missionnés dans leur mission de baptisés ».

Et ce n'est pas fini, il enchaîne sur son rôle et celui des structures qui l'entourent : « L’exercice du ministère de l’évêque diocésain est lui-même en lien avec l’ensemble du peuple de Dieu tout entier qui lui est confié. Dans leurs missions confiées par l’Église, les différents conseils de la vie diocésaine sont invités à vivre un « marcher-ensemble » du peuple de Dieu. Il traduit « le chemin de la synodalité (…), le chemin que Dieu attend de l’Église » jusqu’à devenir un « style particulier qui détermine la vie et la mission de l’Église.

Ces conseils et délégations ne peuvent se réduire à une seule organisation humaine. Ils sont donnés à l’évêque pour lui permettre de remplir sa mission pastorale en fidélité au Christ présent au milieu des siens. Le « Bon Pasteur » est celui qui guide par le sacrement de son Église l’ensemble de l’humanité. Nous sommes ici appelés à approfondir notre compréhension de l’Église, « sacrement » de l’Alliance que Dieu a nouée avec l’humanité entière. [...]. Contempler ainsi le mystère de l’Église appelée à ne pas rester centrée sur elle-même, sur son fonctionnement, nous invite à ne pas oublier sa mission, sa responsabilité. Elle doit être le ferment et l’âme de la société, le levain dans la pâte, le sel de la terre pour reprendre quelques images de l’Évangile. C’est pourquoi la vie et l’organisation de l’Église diocésaine autour de la figure de l’évêque est appelée à favoriser concrètement ce dialogue de l’Église avec le monde dans le but d’en être le ferment et l’âme »

Il eut été dommage de s'en priver...

Du reste Mgr Delmas n'est pas le seul à s'agiter de la plume. Dans le diocèse de Gap, Mgr Malle – qui voit plus loin et surtout plus haut – a publié en 2022 une lettre pastorale intitulée Mission Altitudes 2022-2030. Elle a coûté la bagatelle de 7700 euros pour 54 pages, 143 euros la page – une somme pour un diocèse fauché – et ne semble avoir pour objectif que de mettre en valeur le futur cardinal Aveline qui en a rédigé la préface.

Son texte – parfaitement compréhensible, lui, laisse la place à un peu de propagande dès le troisième paragraphe : « du reste, les montagnes ont toujours été des refuges pour ceux qui devaient fuir l’hostilité dont ils faisaient l’objet dans les plaines de leurs pays. C’était vrai au temps où des Huguenots et des Vaudois s’étaient réfugiés chez vous, notamment dans la vallée de Vars, dans le Queyras et dans la vallée de Freissinières. C’est vrai aujourd’hui lorsque des migrants traversant l’Italie tentent, au péril de leur vie, de franchir sans aucun équipement approprié les cols enneigés qui vous relient à l’Italie. Je tiens à vous remercier d’avoir déjà tant fait, encouragés par Mgr Xavier Malle, votre évêque, pour remplir cette belle et noble mission d’hospitalité ».

Mais il faut la lire pour apprécier la plume de l'évêque de Gap, ne serait-ce que dans l'introduction qui enfonce au bélier tant de portes ouvertes : « Dans tous les pays du monde, nous constatons des changements de civilisation, accélérés par la mondialisation d’une certaine forme de matérialisme et par la digitalisation de la société. Ajoutons-y les défis de la crise écologique, des extrémismes religieux, des incidences de la pandémie de la COVID 19 et des nombreux conflits armés.

Nos sociétés deviennent ce qu’un sociologue a appelé des « sociétés liquides » : rien ne semble solide, les institutions sont remises en cause et seuls comptent l’individu et ses désirs. Notre Église, bien sûr, est touchée, mais n’est-elle pas un point d’appui, presque le seul qui demeure solide ? Les crises actuelles vont elles changer la société ? Certes par exemple, on a pu espérer, dans « le monde d’après », mesurer l’importance des services publics pendant la pandémie, ou le rôle de l’Europe pendant la guerre en Ukraine, mais c’est bien à chacun d’entre nous de porter au monde la Paix ! « Rester silencieux n’est-ce pas une forme de non-assistance à une société en détresse ?»

Et de continuer, pendant des pages – évidemment, la « synodalité » est de la partie. Par exemple : « Le pape François nous a offert en 2020 cette magnifique lettre encyclique Fratelli tutti, tous frères, sur la fraternité et l’amitié sociale. La fraternité est à vivre avec toute personne humaine et a fortiori dans notre communauté chrétienne, puisque nous avons le même Père. En Église, le pape nous dit que la synodalité est le chemin pour notre temps. La synodalité s’appuie sur l’ecclésiologie de communion, autre nom pour dire l’unité de l’Église, boussole donnée par le concile Vatican II. Dire dans le Credo « je crois en l’Église UNE », c’est dire que l’Église est Une de par sa source (l’unité dans la Trinité), de par son fondateur (le Christ), de par son âme (l’Esprit Saint). « Notre unité, c’est notre foi en Jésus-Christ et en sa Parole. »

C’est ce que beaucoup ont vécu à l’occasion de la phase diocésaine du synode sur la synodalité. Ils partagent la joie de ce qu’ils ont pu vivre ensemble dans les petits groupes synodaux et de s’être écoutés et reconnus comme frères et sœurs, au-delà des différences d’appréciation. « Participer à toutes ces démarches en Église me donne chaque fois l’occasion d’expérimenter de nouvelles petites morts a` moi-même et aussi la joie de petites résurrections. […] Une Église synodale est une Église de l’écoute dans laquelle chacun a quelque chose a` apprendre : le peuple fidèle, le collège épiscopal, l’évêque de Rome, l’évêque de Gap-Embrun, chacun a` l’écoute des autres, et tous a` l’écoute de l’Esprit de vérité [Jn 14,17] pour savoir ce qu’il dit aux Églises, d’où l’importance de commencer chaque réunion ecclésiale par la prière. Nous avons goûté à ce que le Pape espérait, l’essentiel est encore devant nous.

Le but de ce synode n’est pas de produire des documents, mais de vivre une expérience de communion, de participation et de mission, pour « faire germer des rêves, susciter des prophéties et des visions, faire fleurir des espérances, stimuler la confiance, bander les blessures, tisser des relations, ressusciter une aube d’espérance, apprendre l’un de l’autre et créer un imaginaire positif qui illumine les esprits, réchauffe les cœurs, redonne des forces aux mains... »

[…] Concernant la fraternité, reconnaissons que nous avons tous besoin d’une conversion dans nos liens avec les autres. D’une part, nous pouvons être plus ou moins blessés par des mauvaises expériences. D’autre part, nous sommes parfois aussi tentés par des jugements sur les personnes, qui ne tiennent pas compte de la complexité des diverses situations, alors que la juste attitude évangélique est « d’intégrer tout le monde ; on doit aider chacun à trouver sa propre manière de faire partie de la communauté ecclésiale, pour qu’il se sente objet d’une miséricorde imméritée, inconditionnelle et gratuite ».

Vous n'avez pas compris ? Cette lettre pastorale se donne un objectif jusqu'en 2030 – huit ans ne seront pas de trop pour essayer de la comprendre... ou enterrer définitivement le catholicisme dans le diocèse de Gap-Embrun.

A Saint-Claude, Mgr Garin – choisi avec Mgr Souchu (Dax) et Mgr Dollmann (Cambrai) par KTO comme modèle de l'épiscope français dans une émission qui va sortir à la rentrée – a aussi du mal à mettre les mots sur les maux dans son diocèse en quasi mort clinique. Alors pour beaucoup de maux, il lui faut encore plus de mots.

Exemple dans sa lettre sur les fraternités pastorales : « Cette soif de retrouver des relations fraternelles de qualité dans notre Église diocésaine est la principale priorité que vous avez exprimée lors de la phase diocésaine de la démarche synodale [...] Mais nos espaces paroissiaux deviennent si grands qu’il devient difficile d’y développer un esprit communautaire, en particulier après ces deux années de pandémie qui ont fortement affecté nos assemblées. On peut participer à une eucharistie dominicale sans vraiment tisser de liens avec d’autres, sans faire l’expérience d’être accompagné dans la foi. Nous ressentons le besoin de retrouver des relations de proximité et d’expérimenter un soutien mutuel dans la durée. La création des fraternités paroissiales voudrait être une réponse à cette attente largement formulée. Beaucoup de personnes qui commencent un chemin de foi, ou qui ne sont pas toujours à l’aise dans nos messes dominicales, pourraient trouver dans ces fraternités une « porte d’entrée », un accueil chaleureux, un espace de rencontre et d’échange, un accompagnement dans la durée et faire ainsi une authentique expérience spirituelle et ecclésiale ».

Son inspiration ne se tarit pas : « ayons toujours à cœur d’inviter des nouveaux membres à rejoindre une fraternité paroissiale, en particulier les personnes plus éloignées de l’Église, ou celles qui ont besoin d’être accompagnées parce qu’elles traversent une épreuve. L’amitié vécue dans une fraternité favorise l’échange en profondeur, le soutien dans la foi et l’entraide mutuelle. […] On peut comparer chaque fraternité à une petite cellule humaine qui se divise en deux pour permettre la naissance de nouvelles cellules. C’est à cette condition qu’un corps humain peut croître et se renouveler. De même, la fécondité de nos fraternités paroissiales se vérifiera à notre capacité à inviter et à intégrer régulièrement d’autres membres, jusqu’à créer un nouveau groupe lorsque le nombre de participants deviendra trop important.

À ce jour, plusieurs fraternités ont commencé à vivre cette aventure. Certaines sont nées de la transformation des « groupes livrets » en fraternités paroissiales, d’autres se sont spontanément constituées, d’autres encore sont en gestation […] Différentes modalités sont possibles pour vivre cette fraternité et il y a place pour la créativité. Une équipe diocésaine8 est spécialement chargée d’encourager et de soutenir la création de ces fraternités paroissiales, je la remercie très vivement. Vous trouverez auprès d’elle des fiches avec des points de repère pour la vie des fraternités et le déroulement des rencontres ».

D'ailleurs, le verbiage, c'est contagieux – la réunion du conseil presbytéral du même diocèse de Saint-Claude de mai dernier en témoigne : « il est urgent de repenser la vision pastorale et la mission du diocèse, ainsi que la vie et le ministère des prêtres dont le nombre de plus en plus réduit, pose un réel problème pour répondre aux demandes diverses et variées du peuple de Dieu ». Et pour cause, il n'y a plus assez de prêtres – et même les laïcs en mission d'Eglise peinent à être renouvelés. Vite, une nouvelle lettre pastorale de cinquante pages sur ce sujet !

Plus mal en point encore – le diocèse de Viviers sur Rhône n'a plus de fidèles et presque plus de prêtres, mais les noms donnés aux pastorales claquent. Ainsi, la pastorale de la syro-phénicienne sur le service des laïcs en mission d'Eglise, création de Mgr Balsa, qui laisse, en partant pour Albi, un diocèse en mort cérébrale et planté le seul projet d'église neuve – porté par une communauté charismatique, la FMND, en s'alliant avec le préfet, les frangins, les écolos et des zadistes qui multiplient, fort du soutien épiscopal, tags blasphématoires et interruptions de messes...

Cela vaut tout de même le détour : « Cette Pastorale sera mise en œuvre par les Curés et les Animateurs laïcs en mission ecclésiale paroissiale et/ou tous ceux qui œuvrent dans les communautés locales […] Tout cela a eu en général pour effet d’imaginer une nouvelle structure hiérarchique, d’Equipes d’Animation Pastorale, de Conseils paroissiaux, économiques, essentiellement centralisés, le nombre d’habitants ou la taille géographique ayant souvent été les critères des « lieux centre » et d’éloigner les prêtres d’un apostolat de proximité, impossible de toute façon à assumer vu leur nombre. Ce qui a réduit en grande partie la vie des communautés locales à la seule eucharistie occasionnelle, et les prêtres à risquer d’être réduits à des distributeurs de sacrements.

Ce qui a pour effet de réduire la vie communautaire à des propositions pastorales centralisées, ou à carrément sous-traiter à des superstructures ce qui devrait être vécu au sein des communautés.

Ce modèle d’organisation paroissiale sur lequel nous vivons aujourd’hui n’a pas un grand avenir, compte tenu non seulement du petit nombre de prêtres à venir, mais aussi de la forte déchristianisation, sauf à imaginer une réduction des dites paroisses en augmentant encore les surfaces, et noyant les chrétiens actifs dans des fonctionnements de superstructures.

Et de toute façon, les comportements humains, collectifs, économiques, politiques, spatiaux, les lieux éducatifs, les lieux de travail, de consommation ne sont pas en cohérence.

[…] Il nous faut donc imaginer et inventer pour l’avenir une nouvelle manière de vivre nos paroisses, avec peu de prêtres, peu de chrétiens, en abandonnant l’obsession d’occuper la totalité de l’espace et du temps. Faire que ces communautés de base soient des rassemblements de chrétiens où l’on peut être touché par Jésus au point de faire l’expérience du Salut. Il nous faut inventer et développer des communautés de base très diverses, qui ne seront pas un rétrécissement ou un retour aux anciennes paroisses et considérer la paroisse comme une communion (et non une communauté) de communautés de base ».

Et le dernier qui part trie ses déchets – Laudato Si oblige, coupe la lumière et ferme la porte. Au moins les Albigeois, Castrais et Vauréens savent désormais à quoi s'attendre...

A Bourges, le très discret Mgr Beau parle en novlangues pour la Pentecôte 2022 – 17 pages tout de même ! La conclusion est un modèle du genre :

« Aujourd’hui, l’appel de notre monde à la fraternité et au bonheur est urgent. [...]. Depuis quelques semaines, nous avons commencé à travailler la question de la synodalité et de la gouvernance de l’Église. Cette question est importante et elle demande la réflexion de tous afin de formuler ce que chacun attend de l’Église, ce qu’est une communauté synodale, la place et la responsabilité de chacun dans une paroisse et dans notre diocèse. Un tel chemin ne se fera pas si nous sommes autocentrés sur nos convictions.

Il exige un décentrement et une écoute des attentes de notre monde et des appels que le Seigneur nous adresse. Dans les années à venir, chaque paroisse ne pourra pas tout faire ! Quel est le chemin sur lequel votre communauté souhaite s’engager, étant sauf celui de la transmission de la foi et des célébrations dominicales qui sont le « cœur brûlant » de la foi ? Il me semble qu’une période de crise doit être une période d’expansion. « Élargissez l’espace de votre tente ». Que voulez-vous réaliser de neuf ? Que souhaitez-vous mutualiser ? Quel est le cœur brûlant de votre paroisse ?

Chaque paroisse doit être le lieu source des activités dont nous sommes les acteurs comme de notre engagement dans le monde. Une Église qui va aux périphéries n’a pas peur de s’engager par la foi dans les cultures qui marquent notre société. Cela demande que nous sachions susciter ou réinvestir les tiers lieux (église – société) par lesquels, au nom du Christ, nous serons serviteurs du bien commun dans le service de l’éducation, de l’écologie intégrale et de la solidarité. Notre Église diocésaine a un cœur, la célébration eucharistique paroissiale, et elle doit rayonner en s’engageant dans les joies, espoirs, angoisses et parfois errances de notre monde ».

A Paris, diocèse en autrement meilleure santé, Mgr Ulrich se laisse aussi tenter par la novlangue. Ici en décembre 2022, pour poser quelques jalons de la nouvelle religion synodale :

« De telles attentes se marquent aussi dans les changements de style de vie qui interviennent au cours de la vie professionnelle, le plus souvent au bout d’un cycle de dix ou quinze ans, parfois après très peu d’années. C’est comme si l’enchaînement de la formation, de l’entrée dans la vie active, professionnelle et familiale, avait été suivi comme en pilotage automatique, sans avoir pu assez réfléchir, prendre le recul nécessaire. Alors faire une rupture s’impose, retrouver son intériorité, baisser le régime, prendre le temps de voir, de sentir, de goûter. Et de chercher plus de sens à ce que l’on veut faire. Le Seigneur Jésus est capable de se faire reconnaître, non pas dans le fracas orageux de la suractivité, mais dans l’apaisement et la brise légère où déjà Dieu se manifestait discrètement aux prophètes d’autrefois.

[…] Ce propos indique de lui-même des voies à suivre pour notre Église qui est à Paris. Toute la richesse qu’elle reçoit en héritage du Christ est faite pour être partagée : non pas comme si c’était le don de notre propre générosité qui allait s’imposer aux autres, mais comme le don de Dieu que nous ne pouvons pas garder pour nous. Ce don de Dieu est l’origine-même de notre tradition spirituelle, certes ; mais il est aussi à rechercher dans ce monde que Dieu aime et qu’Il irrigue de son amour, y compris quand celui-ci ne le connaît ou ne le reconnaît pas. Regardons ensemble : la justice sociale et la fraternité, nous ne sommes pas les seuls à les chercher et à proposer des voies pour y progresser. L’amour de la vie familiale n’est pas une spécialité catholique, même si nous aimons le riche héritage de notre tradition en ce domaine.

Le verbiage, c'est tellement pratique pour introduire une pincée de relativisme : « nous portons avec raison le témoignage d’une aide active à vivre au temps de la solitude et de l’angoisse à l’approche de la mort, mais nous ne sommes pas les seuls à comprendre que là se trouve un chemin de fraternité plus sûr que dans l’abandon à un choix individuel et terrifiant. La beauté artistique a trouvé dans le mystère chrétien des thèmes qui se sont illustrés dans de nombreuses cultures du monde depuis deux mille ans, mais nous savons aussi découvrir dans d’autres traditions religieuses, et chez d’autres poètes, musiciens et plasticiens, croyants ou non, des œuvres qui enchantent nos cœurs »


Et pour développer, au milieu d'un océan de mots, une position relativiste et progressiste, hop, ni vu ni connu, jusqu'à théoriser l'abandon de la vérité : « oui, si notre Église veut avancer dans un esprit de communion en sa vie propre et s’offrir comme un pilier qui favorise cette communion, elle peut bien apprendre du monde où elle vit. Qu’elle accepte de recevoir des autres et des sociétés, non sans opérer les discernements qui enrichissent son expérience, puisque l’Esprit du Christ se trouve répandu dans les cœurs. Si nous voulons former, fortifier et développer une Église de la communion – et c’est ce chemin que j’invite à suivre avec vigueur – nous regarderons ce monde tel qu’il est, nous renoncerons à nous ériger en possesseurs de vérité, nous ferons en sorte de reconnaître à chacun sa place dans la société […] nous croyons que le Christ a réellement besoin de tout le monde. Pour vivre une Église de la communion, il faut aussi s’affranchir des grilles de l’analyse politique : je ne veux pas dire par là que les chrétiens seraient apolitiques, je dis seulement que les qualificatifs de droite et de gauche, de progressistes et de conservateurs, de réformistes et de révolutionnaires, ne permettent pas de rendre compte de ce qui anime vraiment ceux qui se mettent à la suite du Christ. Cette lecture est toujours un piège et beaucoup s’y sont fourvoyés au long des âges »

Son prédécesseur, Mgr Aupetit, était pas mal non plus dans le verbiage – il a laissé à la postérité sa lettre pastorale du 3 septembre 2021 :

« C’est avec vous tous que je souhaite approfondir et mettre en œuvre ces deux visions pastorales – les fraternités missionnaires et l’accueil inconditionnel de tous – qui restent profondément liées. Il est nécessaire de construire, de plus en plus, des lieux de fraternité fondés sur la vie sacramentelle et le partage des Saintes Écritures qui, comme on le voit déjà dans bien des lieux, se déploient avec bonheur pour nous permettre de devenir davantage ce que nous sommes : les disciples du Christ. Il s’agit d’approfondir notre relation personnelle avec lui, de scruter ensemble la parole de Dieu en recevant des autres une lumière bienfaisante en se mettant ensemble sous la motion de l’Esprit Saint, d’édifier la communion par une liturgie joyeuse et profonde qui respecte l’acte divin. En vivant cela, nous pourrons construire une authentique fraternité qui sera le reflet de la présence du Christ au milieu de nous.

Mais une telle fraternité de disciples du Christ ne peut être que missionnaire dans le sens où elle s’ouvre à tous de manière inconditionnelle. Loin de nous enfermer dans un entre soi mortifère, elle nous oblige à cette amitié universelle envers tous les hommes en mettant en place dans nos lieux pastoraux de nouvelles propositions qui attirent pour montrer que l’Église a été voulue par le Christ pour le bien de tous les hommes. C’est bien par attraction que se répand le message évangélique comme le rappelle le pape François dans son encyclique La joie de l’Évangile.

Nous devons pouvoir lancer des initiatives nouvelles et parfois surprenantes pour répondre à un tel défi. J’ai employé ce mot, peut-être incongru, de « start-up » du Bon Dieu pour dire combien nous avions à nous laisser guider par le Saint-Esprit dans les temps nouveaux que nous avons à vivre ».

Dans le même temps où il plaidait « l'ouverture inconditionnelle » et « l'amitié universelle » de la « start-up du Bon Dieu », Mgr Aupetit supprimait sans état d'âmes les messes tridentines de Saint-Georges de la Villette, Notre-Dame du Travail et d'autres lieux... Ce qui faisait écrire à Riposte Catholique qu'il était « plus proche de la liquidation générale que de la start-up », et de fait, à peine trois mois plus tard il était démissionné et liquidé, après la parution d'une enquête dans Le Point...

Du reste, un diocèse pris en défaut par ses fidèles – par exemple lorsqu'un artiste ouvertement profane, voire profanateur, est autorisé à se produire dans une église – peut déployer des sommets de verbiage.

Ainsi du diocèse de Nantes, en décembre 2021, pour justifier la prestation d'une organiste sataniste dans une église : « lundi 6 décembre, des paroissiens de Saint Clément ont interrogé le curé sur la teneur du concert. Un rapide parcours des titres de l’artiste montre qu’elle évolue dans l’univers des « musiques actuelles ». Sa prestation se veut davantage esthétique que spirituelle, même si les titres de ses chansons, entre lumières et ténèbres manifestent une quête existentielle – comme l’expriment à leur manière les psaumes dans la Bible – « Ma place est parmi les morts, avec ceux que l’on a tués, enterrés, ceux dont tu n’as plus souvenir, qui sont exclus, et loin de ta main » (Ps 87) ».

La citation biblique ne convaincra pas les Bretons – ils empêcheront le concert pacifiquement en se mettant devant toutes les entrées de l'église Notre-Dame de Bon Port le soir du 7 décembre 2021, tandis que le public empêché d'entrer essaiera de forcer le passage en criant « à mort les curés ! ».

Ou le diocèse de Vannes, après que des fidèles aient empêché – tout aussi pacifiquement et en priant le chapelet – un concert profane dans l'église de Carnac, en mai dernier, commence par mettre de l'huile sur le feu « le diocèse s’interroge : quelles étaient les intentions de ceux qui ont mis ce titre en avant ? Pourquoi cette désinformation ? Dans quel but se sont-ils livrés à cette instrumentalisation mensongère ? ».

Avant de reconnaître à demi-mot qu'il y a comme un problème, et pas que pour l'amour-propre du curé de Carnac et du vicaire général, vertement désavoués par leurs fidèles et l'opinion publique : « cette expérience douloureuse invite les commissions de discernement à une double attention. Il leur faut être attentives, non seulement à la qualité des oeuvres et à leur adéquation avec le lieu sacré dans lequel elles sont présentées, mais aussi, dans notre époque troublée où la violence est toujours sous-jacente, aux interprétations et à l’instrumentalisation qui peuvent en être faites ».

Face à ce tourbillon de textes pastoraux sans lendemain alignés sur tant de pages, on ne peut que rappeler la lettre pastorale la plus connue du XXe siècle, qui a fortement marqué ses contemporains et a même été diffusée par la Résistance et la BBC – la lettre pastorale en date du 23 août 1942 de l'archevêque de Toulouse, Mgr Saliège, sur la persécution des Juifs.

Elle tient sur une demi-page – une paille pour ces évêques d'aujourd'hui qui ne sauraient pas marquer les consciences en moins de 10, voire de 50 pages. Pourtant, son souvenir s'est maintenu – ainsi que celui de son auteur, tandis que les lettres pastorales d'aujourd'hui, d'Avent, de Pentecôte ou d'Altitude, seront oubliées à peine leur auteur parti pour un autre évêché ou à la retraite.

« Mes très chers Frères,

Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits, tiennent à la nature de l’homme. Ils viennent de Dieu. On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer. Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.

Pourquoi le droit d’asile dans nos églises n’existe-t-il plus ?

Pourquoi sommes-nous des vaincus ?


Seigneur ayez pitié de nous.

Notre-Dame, priez pour la France.

Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier.

France, patrie bien aimée France qui porte dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine. France chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces horreurs.

Recevez mes chers Frères, l’assurance de mon respectueux dévouement.

Jules-Géraud Saliège

Archevêque de Toulouse

23 août 1942

À lire dimanche prochain, sans commentaire ». 

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