Notre lettre 1061 publiée le 1 juillet 2024

L’ATTACHEMENT
DES MISSIONNAIRES
DE LA MISÉRICORDE DIVINE
AU RITE TRADITIONNEL
DES ORDINATIONS

Le supérieur des Missionnaires de la Miséricorde divine (Miséricorde Divine (misericordedivine.fr), du diocèse de Fréjus-Toulon, l’abbé Jean-Raphaël Dubrule, a publié le communiqué suivant :

« Depuis plus de deux ans pour l’un d’entre eux et un an pour les quatre autres, 5 séminaristes de la communauté des Missionnaires de la Miséricorde attendent l’ordination diaconale puis presbytérale. Cette attente n’est plus liée à la situation du diocèse de Fréjus-Toulon, dont les ordinations ont repris, mais à la célébration dans l’ancien rit, prévue dans les statuts de la communauté.

A la suite de beaucoup de discussions avec les instances romaines compétentes, portées par Mgr Touvet que je remercie chaleureusement pour son très grand soutien à notre communauté, il apparaît que la situation est bloquée non seulement en raison du rit de l’ordination, mais en raison de la possibilité pour les futurs prêtres de pouvoir célébrer dans l’ancien rite. Aucune certitude concernant cette possibilité n’est donnée par les autorités romaines, et il se pourrait donc que des candidats soient ordonnés sans avoir le droit de célébrer ensuite selon l’ancien rit. Ils ne pourraient plus alors exercer leur ministère dans le cadre de la communauté et en conformité aux statuts.

Devant de très nombreuses interrogations de fidèles, il nous a semblé nécessaire d’expliquer pourquoi cela prenait autant de temps et les enjeux qui sont les nôtres. Le but est d’appeler à une prière très intense, car le dialogue avec les instances romaines continue. Cette épreuve que nous vivons ne nous fait en rien regretter le travail d’intégration diocésaine que fait et vit la communauté. Elle appelle à une prière et une vigilance renouvelée. Que Jésus miséricordieux nous protège et nous affermisse. » Communiqué de l’abbé Jean-Raphaël Dubrule – Miséricorde Divine (misericordedivine.fr)

Dans un sermon prononcé le 29 juin à la fin de la messe d’ordination en la cathédrale de Toulon, Mgr Touvet, coadjuteur, en charge du diocèse, a répondu à l’abbé Dubrule : « Sachez que je fais le maximum pour que les ordinations [des prêtres des MDM] puissent avoir lieu. Au-delà des questions liturgiques, se joue une conversion spirituelle et pastorale qui consiste à reconnaître d’une part que la vocation est un appel du Seigneur et de Son Église, auquel le séminariste donne une réponse sans poser de conditions et d’autre part que la communauté est bien insérée dans le diocèse et peut jouer un rôle important ici et ailleurs dans le travail de communion avec les fidèles attachés à l’ancien missel. Je redis ma confiance à l’abbé Dubrule et à sa communauté. Ils savent aussi que je les accompagne avec le souci de l’obéissance et de la communion avec le Siège Apostolique » (Le Forum Catholique).

C’est l’avenir de cette communauté qui se joue et plus largement de l’insertion du rite traditionnel dans les diocèses. Point n’est besoin d’être grand stratège pour dire que le temps joue en faveur des MDM s’ils persistent dans leur patiente et calme détermination. Ils offrent cinq prêtres dans le rite traditionnel et pour le rite traditionnel : ne veut on plus des prêtres de cette sorte ?


Le contexte

Il faut se souvenir qu’en septembre 2005, soit deux ans avant Summorum Pontificum, Mgr Rey avait érigé une communauté de droit diocésain, les Missionnaires de la Miséricorde divine, auxquels il avait confié une paroisse personnelle à Toulon, ayant son siège dans l’église Saint-François-de-Paule, vouée à la liturgie tridentine, l'abbé Fabrice Loiseau, fondateur de la Communauté et à l’époque supérieur de la Communauté, étant nommé curé de cette paroisse personnelle, qui offre aux paroissiens trois messes traditionnelles dominicales et une intense vie liturgique la semaine. Les MMD desservent aussi la paroisse Saint-Charles, à Marseille, dont l’abbé Gillet est l’administrateur. Ils ont aussi des apostolats à Draguignan, Lyon, Strasbourg, Colmar. La communauté est aujourd’hui composée de 34 membres, dont 13 engagés définitivement.

La pression dont cette Communauté est aujourd’hui l’objet vise donc des prêtres diocésains célébrant de manière normale la liturgie traditionnelle, dont on ne dira jamais assez qu’ils sont les premiers visé par Traditionis custodes.

Leur détermination de tenir à la célébration du sacrement de l’ordre en la forme traditionnelle est de la plus grande conséquence.


La liturgie traditionnelle est un bloc

Qu’on nous pardonne de reprendre le mot très juste de Clémenceau à propos de la Révolution française et de l’appliquer à la liturgie traditionnelle. En effet, dans la réforme de la liturgie, a été conçue comme, et s’est avérée être, une véritable révolution qui s’est déployée à partir de 1964, date de la création du Consilium pour l’Application de la constitution sur la liturgie du concile Vatican II, et qui décréta tout de suite de premières réformes.

L’ensemble de la liturgie, messe, sacrements, bénédictions, exorcismes, consécrations de personnes, Office divin, tout dans l’ensemble et le détail fut en quelques années complètement revu par le Consilium, travaillant en étroite collaboration avec le pape Paul VI. L’esprit général étant d’une part de « revenir aux sources » au-delà du Moyen-Âge, et de retrouver une liturgie, disons du IVe siècle, telle que l’imaginaient les réformateurs, dont on sait aujourd'hui qu'ils étaient davantage dans le fantasme que dans la rigueur historique, et d’autre part de l’adapter à l’esprit de notre temps et à ce qu’il est capable de comprendre (notamment, en ce qui concerne la messe, en gommant son aspect sacrificiel).

Tout se tient de facto dans cette nouvelle liturgie entièrement rénovée qui devait exprimer – avec le succès que l’on sait – le « nouveau printemps de l’Église ». Mais aussi, elle doit être défendue en bloc de manière tactique. Lâcher sur un point, comme estiment pouvoir le faire certains, c’est se disposer à lâcher sur tout. En effet, pour des prêtres voués à la liturgie traditionnelle, qui opèrent en situation de minorité, refuser la célébration de la messe en rite nouveau, mais accepter l’Office nouveau, tel ou tel sacrement nouveau, etc., n’est pas cohérent et introduit dangereusement une brèche dans leur ligne de défense.


Les défectuosités intrinsèques des nouvelles ordinations

Par ailleurs, il importe de savoir pourquoi le rite du sacrement de l’ordre en forme nouvelle est théologiquement inférieur au rite du sacrement en forme traditionnelle.

Le sacrement de l’ordre a été est réorganisé, en ce qui concerne l’ordination des évêques, prêtres, diacre par un nouveau rituel, dont la dernière édition typique est de 1990, et en ce qui concerne l’« institution » (et non plus l’ordination) aux ministères, par un rituel de 1972. Par comparaison avec le pontifical traditionnel, les défectuosités sont patentes.

Plusieurs points sont à noter.


La forme de la consécration des évêques modifiée

Relevons pour ordre, puisque la consécration d’évêques en la forme traditionnelle n’est pratiquée que par la Fraternité Saint-Pie-V et par l’Administration apostolique Saint-Jean-Marie-Vianney au diocèse de Campos, Paul VI modifia la forme (les paroles consécratoires) de l’ordination épiscopale. Par la constitution apostolique Pontificalis romani du 18 juin 1968, il écarta les paroles désignées par Pie XII comme forme (« Donne à ton serviteur la plénitude de ton ministère et, paré des ornements de l’honneur le plus haut, sanctifie-le par la rosée de l’onction céleste »), en leur substituant une autre forme puisée dans la Tradition apostolique d’Hippolyte, assez voisine de celle usitée dans les patriarcats d’Antioche et d’Alexandrie : « Et maintenant, Seigneur, répands sur celui que tu as choisi la force qui vient de toi, l’Esprit qui fait les chefs, l’Esprit que tu as donné à ton Fils bien-aimé, Jésus Christ, celui qu’il a donné lui-même aux saints Apôtres qui établirent l’Église en chaque lieu comme ton sanctuaire, à la louange incessante et à la gloire de ton Nom ».

On ne voit pas que ces paroles soient plus expressives. Elles ne le sont d’ailleurs pas moins. Elles sont autres, ce qui était peut-être le but recherché : tout doit être nouveau !


L’appauvrissement symbolique de l’ordination sacerdotale

En revanche, il est clair que les modifications et omissions du rituel d’ordination des prêtres, dont la forme n’a pas été modifiée, l’ont notablement appauvri :

1. La tradition de l’étole, dans l’ordination traditionnelle, se fait par le croisement de celle-ci sur la poitrine du prêtre, pour montrer qu’il est lié par l’obéissance à l’évêque, avec ces paroles : « Recevez le joug du Seigneur, car ce joug est suave et ce fardeau léger ». L’imposition de la chasuble, dont la partie postérieure demeure repliée, se fait avec ces paroles : « Recevez le vêtement du prêtre, qui représente la charité, car Dieu est assez puissant pour l’augmenter en votre âme et parfaire ainsi son œuvre ». À la fin de la messe, la chasuble est déployée après une nouvelle imposition des mains (une première imposition des mains est faite lorsque le sacrement est conféré) accompagnée de ces paroles : « Recevez le Saint-Esprit ; les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et retenus à ceux à qui vous les retiendrez », le tout pour signifier la plénitude des pouvoirs sacerdotaux conférés.

Dans le rituel nouveau, l’ensemble de ce rite est omis : ce sont d’autres prêtres qui aident le nouveau prêtre à revêtir l’étole non croisée et la chasuble déployée sans paroles particulières.

2. L’onction des mains du prêtre, dans l’ordination traditionnelle, se fait, durant le chant du Veni Creator, avec l’huile des catéchumènes, pour la distinguer de la consécration des évêques, alors qu’elle se fait dans le rituel nouveau avec le saint chrême, l’huile traditionnelle de la consécration des évêques.

3. La « porrection », présentation au nouveau prêtre d’un calice contenant du vin mêlé d’eau portant une patène sur laquelle se trouve une hostie, se fait, dans l’ordination traditionnelle, avec les paroles suivantes, particulièrement explicites : « Recevez le pouvoir d’offrir un sacrifice à Dieu et de célébrer les messes pour les vivants et pour les défunts ». Cette formule est tellement significative qu’elle avait été considérée par de nombreux théologiens, dont saint Thomas, comme la forme même de l’ordination sacerdotale, jusqu’à ce que la constitution apostolique de Pie XII ait indiqué les paroles qui devaient désormais être considérées comme la forme du sacrement : « Veuillez donc, ô Père tout-puissant, donner à vos serviteurs que voici la dignité de la prêtrise… ».

Le rituel nouveau a édulcoré au maximum la formule de porrection. L’évêque, désormais, dit seulement : « Recevez l’offrande du peuple saint pour la présenter à Dieu. Prenez conscience de ce que vous ferez, vivez ce que vous accomplirez ». L’expression, trop médiévale, du « pouvoir d’offrir un sacrifice à Dieu et de célébrer les messes pour les vivants et pour les défunts » a été censurée.


La sécularisation des ordres sacrés

En outre, la réforme a produit une sécularisation importante de l’ensemble de la cléricature. Un des documents les plus révolutionnaires de la réforme liturgique fut assurément le motu proprio Ministeria quædam, de Paul VI, du 15 août 1972, qui supprimait la gradation immémoriale dans le rite romain des ordres sacrés, ostiariat, lectorat, exorcistat, acolytat, pour les ordres mineurs, sous-diaconat, diaconat, prêtrise, pour les ordres majeurs, gradation aussi ancienne que la liturgie latine à Rome, puisqu’une lettre du pape Corneille de 251 l’évoque

Paul VI a aboli cinq des six ordres traditionnels conduisant à l’ordination sacerdotale (les quatre ordres mineurs de portier, lecteur, exorciste et acolyte, et le premier ordre majeur, le sous-diaconat), de même que la tonsure qui les précédait et faisait juridiquement entrer dans la cléricature.

Ne subsiste plus que l’ordre majeur du diaconat, par lequel on devient désormais clerc, et deux ministères institués de lecteur et d’acolyte, qui ne sont pas reçus par des ordinations mais par de simples mandats confiés à des personnes qui restent des laïcs, dont certains se préparent au sacerdoce, et d’autres ne s’y préparent pas, parmi lesquels, depuis le motu proprio Spiritus Domini du 20 janvier 2021, le pape François, peuvent être aussi des femmes nommées lectrices et acolytes (acolytesses ?)


***


Il est donc clair que la revendication des Missionnaires de la Miséricorde Divine de recevoir les divers ministères sacrée, depuis l’ordre de portier jusqu’à celui du presbytérat repose sur des raisons importantes. On peut les résumer par le fait que la nouvelle lex orandi est considérablement appauvrie par rapport à la lex orandi traditionnelle. C’est donc un devoir de soutenir par la prière et les encouragements l’attitude des Missionnaires de la Miséricorde divine attachée à cette forme traditionnelle du sacrement en ses divers degrés. Et c’est pourquoi nous nous sommes joints au communiqué de l’association Lex Orandi à ce propos : « Le Supérieur des Missionnaires de la Miséricorde et les séminaristes de sa communauté ont choisi la voie de l’honneur. […] Ils nous montrent la voie. Il est possible que, sous peu, chaque fidèle soit confronté au même choix. Il faudra alors garder l’amour de l’Église et la rectitude des vérités transmises. Il faudra résister aux pressions et proclamer cette évidence : nulle autorité ne peut violer la conscience des fidèles qui veulent se sanctifier par les moyens que la Tradition de l’Église leur offre d’une manière imprescriptible » (Paix Liturgique France).

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