Notre lettre 1311 publiée le 2 décembre 2025
LES FIDÈLES DE NOTRE-DAME DU LYS
VONT-ILS DISPARAÎTRE
POUR ÉPONGER LA GABEGIE FINANCIÈRE
DU DIOCÈSE DE PARIS ?
Derrière l’étrange et brutale débandade du diocèse de Paris, qui a annoncé aux fidèles et aux parents des enfants du patronage Notre-Dame du Lys rue Blomet ne plus pouvoir soutenir l’activité et rendre les bâtiments aux frères de saint Vincent de Paul flotte comme un étrange parfum de banqueroute et de magouille.
Dans une réunion dirigée par un Mgr Gueguen plus clérical que jamais, le diocèse a annoncé « la fermeture à l’été de la Chapelle Notre-Dame du Lys (Paris XVème) mettant en avant essentiellement de fortes difficultés financières (mise aux normes / sécurisation des locaux puis travaux d’entretien / rénovation important). Il propose donc aux fidèles et aux enfants du patronage de se reporter sur les autres paroisses et patronages existants à Paris ».
La Chapelle Notre-Dame du Lys accueille depuis 1988 une messe tridentine, une messe nouvel ordo et un patronage d’une centaine d’enfants. Elle est desservie par un prêtre du diocèse de Paris bi-ritualiste, depuis près de 20 ans. Depuis 2009 les religieux de saint Vincent de Paul ont transmis la gestion au diocèse de Paris, mais sont restés propriétaires, faute de vocations en nombre suffisant pour faire vivre cet apostolat.
Mais les montants avancés pour justifier cette décision sont étrangement élevés, tout comme leur urgence – les lieux étant globalement aux normes, avec même un ascenseur pour desservir la chapelle, au premier étage : «il faudrait selon l’économe du diocèse 3 millions d’euros de travaux dans un premier temps puis 5-6 millions d’euros dans les 5 ans à venir pour mettre le bâtiment aux normes de sécurité afin de pouvoir continuer d’accueillir le patronage (une centaine de garçons comme aujourd’hui), les messes et différentes autres activités ».
De quoi faire douter des paroissiens, et même des prêtres du diocèse de Paris. « Comme souvent dans le patrimoine, on charge la mule en donnant des montants astronomiques pour justifier la cession. Pour trois millions d’euros, il y aurait de quoi reconstruire entièrement le bâtiment, et s’il y avait un péril imminent, il y aurait un arrêté de fermeture », constate un prêtre du diocèse de Paris qui souhaite rester anonyme. « Il est probable que le diocèse ou les religieux aient déjà trouvé un acquéreur, car c’est un très bel emplacement dans la capitale, à moins d’un kilomètre de Montparnasse, bien desservi par le métro – face à l’argent roi, la notion de visibilité de l’église, et même le zèle apostolique doivent-ils s’effacer ? »
Ca ne serait pas la première fois qu’un diocèse aurait du mal à résister à la tentation de vendre un lieu de culte bien placé – en 2016, ce fut la raison de la tentative du diocèse de Rennes de supprimer la chapelle saint François et la messe traditionnelle qui était dedans, car elle se trouvait juste en face de la future station de métro Mabilais de la ligne B. Mais finalement les fidèles ont résisté, et maintenant ils vont à la messe en métro.
Quand le diocèse de Paris voulait enterrer 1.6 millions d’euros sous la gare Montparnasse
Pourtant, en matière de visibilité de l’Eglise et de travaux aux montants conséquents, le diocèse de Paris n’a pas toujours été si rétif à ouvrir sa bourse – et ce sans aller se demander combien a coûté cette si pathétique paramentique de Jean-Charles de Castelbajac utilisée pour la réouverture de Notre-Dame. Début 2024 il annonçait à des fidèles étonnés sa volonté de rénover la chapelle saint Bernard de Montparnasse, créée en 1969 sous la gare, fermée en 2018 et dont tout le monde se passait très bien. Le projet de 2.1 millions d’euros devait être payé pour 500.000 euros par les Chantiers du Cardinal et le reste – 1.6 millions d’euros donc, par le diocèse de Paris.
Et finalement, patatras ! Adieu veaux, vaches, cochons et nouveaux travaux, le diocèse de Paris annonçait en octobre 2024 la fermeture définitive de cette chapelle.
Un patrimoine immobilier conséquent payé par les fidèles, mais géré comment ?
Si le diocèse de Paris connaît, comme d’autres, des difficultés pour faire rentrer le denier – le non-renouvellement des donateurs, les scandales d’abus à répétition et la crise n’aident pas, il peut compter en théorie sur un matelas confortable de près de 700 millions d’euros de patrimoine immobilier, géré par des myriades de SCI – la cellule d’investigation de Radio France a découvert le résultat de décennies d’accumulation grâce à la générosité des fidèles.
De quoi normalement voir loin et dégager suffisamment de revenus pour soutenir les paroisses et les œuvres religieuses. Car l’objet social des associations diocésaines, ce n’est pas de gérer un patrimoine immobilier ou d’investir dans des fonds non cotés, ni d’être marchand de biens, mais de « subvenir aux frais et à l'entretien du culte catholique, sous l'autorité de l'Archevêque, en communion avec le Saint-Siège, et conformément à la constitution de l'Eglise catholique ».
Seulement, des interrogations persistantes subsistent sur la gestion de ce patrimoine conséquent – ainsi que de celui des paroisses. Ainsi, l’une d’elles, dans l’est parisien, avait constaté un peu par hasard qu’un de ses bâtiments avait été loué pour un tarif préférentiel à des religieux espagnols, qui n’en occupaient qu’une petite part et sous-louaient le reste au tarif du marché. La différence n’était évidemment pas perdue pour tout le monde, et il a fallu des années à ladite paroisse pour récupérer son bien, dont la gestion avait été confiée au diocèse.
Le coulage se fait aussi à d’autres niveaux. Le curé d’une paroisse du nord-est parisien s’arrangeait avec sa secrétaire pour se servir dans la quête, ce qui lui faisait de l’argent de poche. Cela a fini par se savoir, et lui a coûté ses ambitions épiscopales. Mais il a été remis à la tête d’une paroisse, et pas des moindres, où il continue de donner des leçons de morale et de droiture à ses confrères, pas tous au courant de son passé.
D’après ses comptes, en 2024 le diocèse de Paris affichait 11.699.312 euros de déficit d’exploitation, et 3.643.061 en 2023 – les déficits se creusent donc. Mais sont à mettre en rapport avec des fond propres de 85 millions d’euros et des réserves de 192 millions d’euros, et ce sans compter le matelas des biens immobiliers gérés par des SCI dont parle Radio France, nécessairement hors bilan. Ainsi, comme il est précisé page 11, de l’acceptation par le diocèse de Paris d’un legs en décembre 2024 dont « l’actif net successoral est de 23.709.513 euros ». Joli cadeau de Noël. Il y a aussi pour 17 millions d’euros de placements (comptes à terme et SICAV).
Le diocèse de Paris finit avec un déficit de 4.9 millions en 2024 contre un excédent de 8.4 millions d’euros en 2023 – ce qui justifie effectivement que l’on s’interroge sur la gestion, voire que le diocèse mette fin aux mauvaises pratiques du passé. Ou de s’interroger sur son recrutement – il compte 95 cadres pour 197 salariés, soit quasiment un cadre pour un salarié non cadre ( !).
Mais pas de faire payer aux fidèles de Notre-Dame du Lys les conséquences de ses errements passés et de sa gabegie.




